4A_96/2023 23.05.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_96/2023  
 
 
Arrêt du 23 mai 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Kiss et Rüedi. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Shahram Dini, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Daniel Udry, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
action en libération de dette, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2022 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/24014/2019, ACJC/1711/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. C.________ et B.________, banquier privé aguerri, ancien... du D.________, ont fait connaissance en 2001. Ils ont entretenu une relation sentimentale durant quatre ans, ayant perduré sous la forme d'une relation d' " amitié amoureuse ", également après le mariage de celui-ci.  
 
A.b. Par contrat du 8 décembre 2004, B.________ a accordé à C.________ un prêt de 200'000 fr. avec intérêts, remboursable au 31 décembre 2014, pour financer la société E.________ SA, dont C.________ était directrice avec signature individuelle. Il s'agissait d'un centre de beauté. B.________ a encore procédé, notamment en 2006, à des versements sur le compte de cette société et à C.________. Aucune somme ne lui a été remboursée.  
En 2006 et 2007, B.________ a fait don à C.________ de biens immobiliers situés en France. Un acte de vente a été signé par les précités pour l'un des biens. 
Par acte notarié du 10 février 2010, B.________ a procédé à des donations en faveur de C.________ d'immeubles sis à U.________ destinés à la location, d'une valeur totale de 8'000'000 fr. Le but était de lui assurer un patrimoine et des revenus. Les biens ont été choisis à U.________ en raison du fait que les donations étaient exemptées de taxes. B.________ avait procédé à leur acquisition et en était resté propriétaire quelques mois afin d'éviter l'impôt. 
 
A.c. En 2013, C.________ a fait part à B.________ de son projet d'acquisition d'un terrain situé dans la commune de Y.________ pour développer une promotion immobilière. Il a été convenu qu'il financerait ce projet.  
C.________ a versé au moyen de ses propres deniers le montant du capital de 100'000 fr. pour constituer A.________ SA, dont l'existence était liée audit projet. C.________ est l'unique administratrice et actionnaire de cette société, ayant pour but la promotion, l'achat et la vente de biens immobiliers. 
Pour financer notamment l'achat du terrain, B.________ a, par acte du 4 septembre 2013, consenti à A.________ SA un prêt hypothécaire de 8'000'000 fr. avec intérêts, garanti par des cédules hypothécaires. Le remboursement devait intervenir par tranches. Les parties ont admis que leur volonté était ici de contracter un prêt. 
A.________ SA envisageait de procéder à une vente sur plans de la promotion immobilière, ce qui n'a pas pu avoir lieu. 
B.________ et A.________ SA, représentée par C.________, ont signé trois autres contrats de prêt pour financer les travaux de la promotion immobilière, le 9 juillet 2014 pour un montant de 300'000 fr., le 29 octobre 2014 à hauteur de 4'600'000 fr. et le 22 mai 2016 pour un montant de 2'300'000 fr., soit un total de 7'200'000 fr., le tout avec intérêts. Un remboursement a été stipulé au 30 septembre 2018. Aucune garantie n'a été convenue. 
B.________ et A.________ SA divergent quant à la nature de ces trois derniers contrats. 
 
A.d. Par courriel du 22 mai 2016, B.________ a indiqué à C.________ qu'il avait déjà financé le projet à hauteur notamment de 8'000'000 fr. de prêt hypothécaire, de 4'600'000 fr. de prêt chirographaire et de 2'300'000 fr. de prêt supplémentaire. Il la priait de lui fournir des informations quant à la date de la fin des travaux, ainsi que des documents comptables de A.________ SA.  
 
A.e. Le 19 janvier 2017, B.________ a fait don à C.________ d'un diamant d'une valeur de 630'000 USD. La facture a été libellée au nom de la précitée.  
 
A.f. Le 12 avril 2017, C.________ a écrit à B.________ ce qui suit: " tu prêtes de l'argent à A.________ SA et donc tu n'es pas investisseur (...). Ton argent ne va pas s'envoler, car (...) la construction c'est un domaine qui paye de toute façon (...). A.________ SA te remboursera comme convenu. "  
 
A.g. Le montant du prêt hypothécaire de 8'000'000 fr. a été remboursé à B.________, la dernière tranche ayant été payée le 4 avril 2018. Les intérêts encore dus sur ce prêt ont été versés le 4 mai 2018.  
 
A.h. Le 14 août 2018, B.________ a adressé un courriel à C.________, à la teneur suivante: " je t'écris concernant les prêts de gré à gré de A.________ SA. En effet, ils échoient dès la fin septembre mais peuvent être remboursés par anticipation si les deux parties sont d'accord. Vu que la promotion est terminée (...), je voulais te proposer de les rembourser par anticipation. "  
C.________ a répondu le lendemain: " ne t'inquiète pas trop, si cela peut te rassurer, je préférerai (s) qu'on se voi (e) à ton retour pour discuter des formalités. " 
 
A.i. Le 14 septembre 2018, lors d'une rencontre avec C.________, B.________ a appris que A.________ SA avait investi dans un nouveau projet le " solde disponible " de la promotion immobilière.  
Lors de son audience devant le tribunal, C.________ a déclaré que B.________ n'était pas intéressé par ce nouveau projet. Il souhaitait avoir des relations intimes, ce qu'elle avait refusé. Il lui avait alors indiqué qu'elle verrait ce qu'il se passerait par la suite. 
 
A.j. Le 14 septembre 2018, B.________ a écrit à C.________ qu'elle l'avait mis devant un fait accompli et qu'il avait été un peu choqué. Il a ajouté qu'ils restaient liés par " cette affaire " et qu'il comptait sur elle pour faire de son nouveau projet un grand succès.  
Dans un courrier du 31 octobre 2018, B.________ a reproché à C.________ de s'être lancée dans un autre projet sans même lui en parler, alors que les prêts arrivaient à échéance. Il y voyait une rupture du lien de confiance. 
Par message du 2 novembre 2018, C.________ lui a répondu en ces termes: " comme je te l'ai dit, je te rembourserai, c'est juste que cela demandera un peu plus de temps c'est tout. " 
 
A.k. Le jour-même, B.________ a mis A.________ SA en demeure de lui rembourser les montants dus conformément aux trois contrats litigieux, dans un délai échéant le 12 novembre 2018.  
 
A.l. Par courriel du 5 novembre 2018, B.________ a reproché à C.________ son manque de professionnalisme.  
Le même jour, elle lui a répondu par courriel qu'elle avait " bien l'intention de (lui) rendre ce qu' (il lui avait) prêté " et qu'il ne devait pas oublier qu'elle lui avait " déjà rendu une première partie ". 
 
A.m. Le 25 février 2019, B.________ a fait notifier à A.________ SA un commandement de payer portant sur un total de 7'200'000 fr. avec intérêts dès le 1er octobre 2018, et 494'666 fr. 85 à titre d'intérêts contractuels jusqu'au 30 septembre 2018, avec intérêts. La poursuivie y a formé opposition.  
Par jugement du 2 octobre 2019, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé la mainlevée provisoire de cette opposition à hauteur d'un montant total de 7'200'000 fr., avec intérêts. 
 
B.  
 
B.a. A.________ SA a introduit une action en libération de dette devant le Tribunal de première instance, en concluant à ce qu'il soit dit qu'elle ne devait pas le montant précité et à ce que la poursuite n'irait pas sa voie.  
B.________ a conclu au déboutement de A.________ SA de ses conclusions et, reconventionnellement, à ce qu'elle soit condamnée à lui payer les deux montants précités et à ce que la mainlevée de l'opposition soit prononcée à concurrence de ces sommes. 
A.________ SA a encore conclu à ce qu'il soit constaté qu'elle ne devait pas la somme totale de 494'666 fr. 85 avec intérêts. 
Par jugement du 21 décembre 2021, rectifié le 24 janvier 2023, le tribunal a rejeté l'action en libération de dette et a condamné A.________ SA à payer à B.________ les sommes totales de 7'200'000 fr. et 494'666 fr. 85 avec intérêts. Il a définitivement levé l'opposition au commandement de payer à concurrence de ces montants. 
 
B.b. Par arrêt du 21 décembre 2022, statuant sur l'appel interjeté par A.________ SA, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement.  
 
C.  
A.________ SA (ci-après: la recourante) a exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt, assorti d'une requête d'effet suspensif, réitérée dans un courrier subséquent. En substance, elle a conclu à l'annulation de cet arrêt, à ce que son action en libération de dette soit admise, à ce qu'il soit dit qu'elle ne devait pas les montants précités avec intérêts et que la poursuite n'irait pas sa voie. 
Par ordonnance présidentielle du 22 février 2023, l'effet suspensif a été accordé à titre superprovisionnel. 
B.________ (ci-après: l'intimé) a conclu au rejet du recours. 
La cour cantonale s'est référée à son arrêt. 
La recourante a déposé une réplique spontanée, suscitant une duplique de l'intimé. 
La requête d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance présidentielle du 30 mars 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2). Le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 140 III 86 consid. 2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). 
En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait envisageable, voire préférable (ATF 136 III 552 consid. 4.2). 
 
3.  
La recourante se prévaut uniquement d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'appréciation des preuves, ayant abouti à un résultat arbitraire, en lien avec les trois contrats de prêt litigieux. Elle soutient que la réelle et commune intention des parties n'était pas de conclure des contrats de prêt, tel que retenu par la cour cantonale, mais de simuler de tels contrats afin de dissimuler des donations. 
 
3.1. Pour déterminer si un contrat a été conclu, quels en sont les cocontractants et quel en est le contenu, le juge doit interpréter les manifestations de volonté des parties (ATF 144 III 93 consid. 5.2; arrêt 4A_180/2022 du 5 juillet 2022 consid. 4.2).  
Selon les règles d'interprétation des contrats déduites de l'art. 18 CO, le juge doit tout d'abord rechercher la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. Si le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il s'agit de constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral, à moins qu'elles ne soient manifestement inexactes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les références citées). 
Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, il doit interpréter leurs comportements selon le principe de la confiance (interprétation objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. La détermination de la volonté objective des parties, selon le principe de la confiance, est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 et les références citées). 
 
3.2. Pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, le juge n'est pas lié par les expressions ou dénominations inexactes dont les parties ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Dans cette dernière hypothèse, on parle de simulation. La volonté de simuler un acte juridique est nécessairement liée à une intention de tromper (arrêts 4A_287/2021 du 7 juin 2022 consid. 6.2.1 et les références; 4A_90/2016 du 25 août 2016 consid. 3.3.2). Un acte juridique est simulé au sens de l'art. 18 CO lorsque les deux parties sont d'accord que les effets juridiques correspondant au sens objectif de leurs déclarations ne doivent pas se produire et qu'elles n'ont voulu créer que l'apparence d'un acte juridique à l'égard des tiers. Leur volonté véritable tendra soit à ne produire aucun effet juridique, soit à produire un autre effet que celui de l'acte apparent; dans ce dernier cas, les parties entendent en réalité conclure un second acte dissimulé (cf. les mêmes arrêts). Juridiquement inefficace d'après la volonté réelle et commune des parties, le contrat simulé est nul (ATF 123 IV 61 consid. 5c/cc; arrêt 4A_287/2021 précité consid. 6.2.1), tandis que le contrat dissimulé - que, le cas échéant, les parties ont réellement conclu - est valable si les dispositions légales auxquelles il est soumis quant à sa forme et à son contenu ont été observées (ATF 117 II 382 consid. 2a; arrêt précité 4A_287/2021 consid. 6.2.1).  
Savoir si les parties avaient la volonté (réelle) de feindre une convention revient à constater leur volonté interne au moment de la conclusion du contrat, ce qui constitue une question de fait (arrêts 4A_287/2021 précité consid. 6.2.1; 4A_308/2021 du 10 juin 2021 consid. 5.5.2); le comportement ultérieur des parties est un indice de leur intention réelle au moment de la conclusion du contrat. Il incombe à celui qui se prévaut de la simulation d'en apporter la preuve (art. 8 CC), étant précisé qu'on ne saurait admettre trop facilement que les déclarations ou attitudes des parties ne correspondent pas à leur volonté réelle; le juge doit se montrer exigeant en matière de preuve d'une simulation (ATF 112 II 337 consid. 4a; arrêt 4A_287/2021 précité consid. 6.2.1). 
 
3.3. La cour cantonale a retenu que jusqu'à la rupture intervenue en septembre 2018 entre l'intimé et C.________, la réelle et commune intention des parties (leur but ultime) était d'assurer le bien-être, notamment économique, de C.________, et de maintenir leurs relations personnelles. Ce n'était pas parce que l'intimé avait déjà consenti à d'importantes donations et éventuellement des abandons de créances en faveur de C.________, dissimulés ou non (pour des raisons fiscales et de confidentialité), qu'il voulait forcément en faire de même pour les contrats litigieux. La donation n'était pas le seul moyen de réaliser ce " but commun ultime " des parties. Un financement sous forme de prêts pouvait aussi s'inscrire dans ce but, ce qui avait d'ailleurs été le cas pour le contrat de prêt hypothécaire de 2013, faisant l'objet de garanties. Ce but et les dons, dissimulés ou non, ne suffisaient pas à retenir que les parties auraient eu la réelle et commune intention de dissimuler une donation en signant les contrats litigieux.  
Selon la cour cantonale, c'était le contraire qui découlait des messages de l'intimé des 22 mai 2016, 14 août, 31 octobre et 5 novembre 2018, ainsi que de ceux de C.________ des 12 avril 2017, 2 et 5 novembre 2018. Ils prouvaient que les parties avaient la réelle et commune intention de conclure les contrats de prêt litigieux. En particulier, C.________ y confirmait qu'elle (l'appelante) avait l'intention de rembourser les montants prêtés. Ses deux derniers messages ne pouvaient se référer qu'aux trois contrats de prêt litigieux, le prêt hypothécaire ayant déjà été entièrement remboursé le 4 mai 2018. D'ailleurs, dans son message du 5 novembre 2018, C.________ relevait qu'une partie avait déjà été remboursée, faisant référence à ce dernier contrat, l'autre partie à rembourser étant celle objet des contrats litigieux. 
Le fait, invoqué par l'appelante, que les donations consenties par l'intimé entre 2004 et 2017 avaient été pour l'essentiel dissimulées ne suffisait pas à ébranler la conviction qui découlait du contenu clair des messages précités. La prestation accordée par l'intimé au titre des contrats litigieux n'était pas comparable aux donations consenties jusqu'en 2010, ni au diamant offert en 2017. Elle était en effet d'une nature différente, puisqu'il s'agissait d'un soutien financier dans le but de permettre à C.________ de se réaliser professionnellement en tant qu'indépendante dans le domaine de l'immobilier. 
Le fait que les contrats litigieux n'avaient pas fait l'objet de garanties ne suffisait pas non plus à ébranler cette conviction. Il en serait déduit uniquement que l'intimé avait accepté le risque d'essuyer des pertes. C'était la raison pour laquelle il avait demandé des informations quant au développement du projet et un accès aux comptes de l'appelante, dans son courriel du 22 mai 2016. Il avait aussi tenté d'obtenir un remboursement anticipé des contrats litigieux dès que possible, par message du 14 août 2018. Cette prise de risque de l'intimé, qu'il tentait de limiter au maximum, expliquait enfin pourquoi il souhaitait analyser les projets pour lesquels il prêtait des fonds. 
Certes, la demande de remboursement des contrats litigieux était intervenue juste après la rupture entre l'intimé et C.________, survenue lors de leur rencontre du 14 septembre 2018. Toutefois, cela confirmait la réelle et commune intention des parties de conclure les contrats de prêt litigieux. Ce remboursement était attendu précisément à cette époque, avec une échéance au 30 septembre 2018. C'était cette question qui avait été à l'origine de la rupture et non l'inverse. Cela était démontré par les échanges entre l'intimé et C.________ postérieurs à la rupture: les fonds disponibles à la fin de la promotion immobilière auraient dû être utilisés afin de rembourser les montants prêtés. C.________ les avait toutefois investis dans un nouveau projet, en mettant l'intimé devant le fait accompli. Rien ne permettait de retenir que la rupture serait intervenue parce qu'elle se serait refusée à l'intimé lors de leur rencontre du 14 septembre 2018. 
 
3.4. Tout d'abord, la recourante reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte du fait qu'en tant que société anonyme, elle avait été créée en vue d'une activité à long terme, ce qui ressortait de son but. C.________ n'aurait pas investi un capital de 100'000 fr. pour sa création si les parties n'avaient envisagé la réalisation que d'un seul projet immobilier. Il n'était ainsi pas question d'un remboursement à la fin de la première promotion.  
La recourante soutient ensuite que les nombreux précédents de donations dissimulées existant entre l'intimé et C.________, aussi bien avant qu'après la conclusion des contrats litigieux, étaient significatifs de l'intention des parties de dissimuler les donations effectuées dans le cadre des contrats litigieux. Par ailleurs, ces derniers n'étaient pas d'une nature différente. Ils visaient le même but des parties, soit la réalisation professionnelle de C.________. Cela avait conduit l'intimé à consentir à d'importantes donations et éventuellement des abandons de créances en sa faveur, comme pour le financement de E.________ SA, lequel aurait donné lieu à un contrat de prêt dissimulant une donation. 
La recourante se prévaut encore de l'absence de garanties concernant les contrats litigieux. Il serait impensable qu'un banquier aguerri consente à des prêts à hauteur de 7'200'000 fr. sans exiger de garanties, au motif qu'il aurait accepté le risque d'essuyer des pertes. Cela ne reposait sur aucun élément et n'avait pas été allégué par l'intimé, lequel aurait d'ailleurs prétendu dans un premier temps que les contrats litigieux bénéficiaient de garanties. La seule fois où les parties avaient conclu un véritable contrat de prêt, en 2013, l'intimé avait exigé l'émission de cédules hypothécaires pour garantir le remboursement. 
La recourante critique également l'appréciation de la cour cantonale en lien avec la cause de la rupture entre l'intimé et C.________. Les échanges postérieurs à cette rupture n'étaient pas de nature à démontrer quels événements y avaient conduit. Au vu du contenu de son message du 14 septembre 2018, l'intimé se sentait toujours lié par les objectifs communs le liant à C.________. C'était en représailles à la rupture, due au refus de C.________ de se donner à lui, qu'il avait réclamé le remboursement des contrats litigieux. 
Pour conclure, la recourante affirme que c'est sur la seule base de quelques messages échangés entre l'intimé et C.________, principalement après leur rupture, que la cour cantonale a retenu que la réelle et commune intention des parties était de conclure des contrats de prêt. Les trois messages postérieurs à la rupture ne reflétaient pas cette intention, mais étaient révélateurs du revirement de l'intimé, en opposition à un accord tacite prévalant depuis 15 ans. 
 
3.5. En somme, la recourante se limite à présenter sa propre appréciation des preuves, sans parvenir à démontrer le moindre arbitraire dans le raisonnement opéré par les juges cantonaux. Ce dernier est détaillé, convaincant, et tient compte de l'ensemble des éléments pertinents. En particulier, la recourante ne saurait leur reprocher de ne pas avoir pris en considération le fait qu'elle a été constituée en société anonyme, ou son but, car cela ne permet manifestement pas d'exclure un accord quant à un remboursement, notamment à l'issue de la promotion immobilière de Y.________, surtout au vu des éléments qui suivent.  
Dans son message du 22 mai 2016, rédigé le jour de la conclusion du troisième contrat litigieux, l'intimé évoque expressément différents prêts qu'il a effectués pour le projet de Y.________, en particulier, " un prêt chirographaire " et un " prêt supplémentaire ". Ensuite, le 14 août 2018, il a clairement proposé à C.________, s'agissant des " prêts de gré à gré " à la recourante, qu'elle les lui rembourse de manière anticipée, avant l'échéance fixée à la fin du mois de septembre 2018, dès lors que la promotion était terminée. Dans sa réponse du lendemain, C.________ n'a ni contesté le remboursement, ni l'échéance. Ces messages sont intervenus avant la rupture du 14 septembre 2018. S'il est vrai que ceux des 2 et 5 novembre 2018 de C.________ ont été rédigés après la rupture, elle y affirme d'elle-même, sans équivoque, qu'elle remboursera l'intimé même si cela demandera un peu plus de temps, et qu'elle avait bien l'intention de lui rendre ce qu'il lui avait prêté. Son intention de rembourser - tout comme la demande de remboursement anticipé de l'intimé - ne concernait évidemment pas le prêt hypothécaire de 8'000'000 fr., puisqu'il avait déjà été entièrement remboursé à cette époque, ce qu'elle a d'ailleurs relevé dans son message du 5 novembre 2018, en précisant qu'elle lui avait " déjà rendu une première partie ". Si les parties étaient réellement convenues de dons, C.________ n'aurait pas manqué de le rappeler à l'intimé (d'abord en réponse à la demande anticipée de remboursement formulée par l'intimé le 14 août 2018, puis d'autant plus par la suite, après leur rupture), au lieu de lui confirmer qu'elle allait lui rembourser les montants prêtés comme elle l'avait déjà fait pour le prêt hypothécaire. 
En outre, la cour cantonale n'a pas retenu de manière insoutenable que les prêts litigieux étaient de nature différente que les autres dons ou éventuels abandons de créances. Elle a en effet précisé qu'ils visaient à la réalisation professionnelle de C.________ en tant qu'indépendante dans le domaine de l'immobilier. D'ailleurs, le prêt hypothécaire de 8'000'000 fr., intégralement remboursé, avait lui aussi trait au projet immobilier. Cela n'était pas le cas, notamment, s'agissant du financement de E.________ SA, puisque cela concernait l'exploitation d'un centre de beauté, même s'il s'agissait globalement de l'activité professionnelle de l'intéressée. De plus, la presque totalité des donations et éventuels abandons de créances, dissimulés ou non, est intervenue de nombreuses années avant les contrats litigieux. Le seul don effectué postérieurement à ces derniers, soit un diamant en 2017, est manifestement d'une nature différente. Ainsi, l'existence de donations et d'éventuels abandons de créances, dissimulés ou non, ne saurait faire apparaître comme insoutenable l'appréciation selon laquelle, s'agissant des prêts litigieux, d'un montant total conséquent, les parties n'avaient pas l'intention de dissimuler des donations.  
Les considérations de la cour cantonale en lien avec l'absence de garanties pour les prêts litigieux sont tout aussi exemptes d'arbitraire. Le parcours professionnel de l'intimé n'y change rien, surtout au vu de la relation particulière qu'il entretenait avec C.________ depuis de nombreuses années. En outre, il importe peu que l'intimé aurait prétendu dans un premier temps, selon la recourante, que les contrats bénéficiaient de garanties. 
Enfin, s'agissant des raisons de la rupture, la recourante se contente, une fois encore, d'opposer sa propre appréciation à celle de la cour cantonale, en se fondant surtout sur les déclarations faites en audience par C.________, lesquelles doivent être appréciées avec circonspection. Quant au courrier du 14 septembre 2018 de l'intimé, il ne démontre pas que celui-ci n'envisageait pas le remboursement initialement convenu. 
Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas sombré dans l'arbitraire en retenant que la réelle et commune intention des parties était de conclure des contrats de prêt, sujets à remboursement, et non de dissimuler des donations. 
 
4.  
En définitive, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
Les frais judiciaires et les dépens seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 30'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 35'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 23 mai 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Raetz