8C_267/2023 17.11.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_267/2023  
 
 
Arrêt du 17 novembre 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard et Métral. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Elio Lopes, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité 
du canton de Fribourg, 
impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (mesure de réadaptation d'ordre professionnel; rente d'invalidité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 6 mars 2023 (605 2022 74). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 31 juillet 2020, A.________ a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité auprès de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (ci-après: l'office AI), arguant souffrir de troubles psychiques. Entre autres mesures d'instruction, l'office AI a confié une expertise psychiatrique au Bureau d'expertises médicales (BEM) de Montreux, lequel a mandaté à cette fin la doctoresse B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et experte certifiée en appréciation de la capacité de travail SIM (Swiss Insurance Medicine). Celle-ci a rendu son rapport d'expertise le 22 mars 2021. 
Par décision du 23 mars 2022, l'office AI a, sur la base de l'expertise de la doctoresse B.________, rejeté la demande de l'assuré, niant le droit de celui-ci à des mesures d'ordre professionnel et à une rente d'invalidité au motif qu'il ne présentait aucune atteinte à la santé invalidante. 
 
B.  
Saisie d'un recours contre cette décision, la I re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg l'a rejeté par arrêt du 6 mars 2023.  
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que des mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle, puis des mesures d'ordre professionnel (orientation professionnelle et reclassement ou, à défaut, formation professionnelle initiale), soient ordonnées et que des indemnités journalières soient versées durant l'exécution de ces mesures. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale ou à l'intimé en vue de la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise psychiatrique et d'une nouvelle décision. Plus subsidiairement, il conclut à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens qu'une rente d'invalidité lui soit allouée à compter du 1 er janvier 2021.  
L'intimé indique ne pas avoir de remarques à formuler et se réfère aux considérants de l'arrêt entrepris. La juridiction cantonale et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le droit du recourant à des mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité, à des indemnités journalières pendant ces mesures ainsi qu'à une rente d'invalidité.  
 
2.2. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2; 135 II 313 consid. 5.2.2).  
 
2.3. Les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée et l'exigibilité - pour autant qu'elles ne soient pas fondées sur l'expérience générale de la vie - relèvent du fait et peuvent donc être contrôlées par le Tribunal fédéral uniquement sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 142 V 178 consid. 2.4; 137 V 210 consid. 3.4.2.3; 132 V 393 consid. 3.2). L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, en contradiction avec le dossier, ou lorsque l'autorité ne tient pas compte, sans raison sérieuse, d'un élément propre à modifier la décision, se trompe sur le sens et la portée de celui-ci ou, se fondant sur les éléments recueillis, en tire des conclusions insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
3.  
 
3.1. L'arrêt entrepris expose les dispositions légales et la jurisprudence relatives notamment aux notions d'invalidité (art. 8 al. 1 LPGA [RS 830.1] en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI) et d'incapacité de gain (art. 7 LPGA), en particulier s'agissant de l'influence de facteurs psychosociaux et socioculturels (ATF 127 V 294 consid. 5a), aux mesures de réadaptation (art. 8 ss LAI) ainsi qu'à la valeur probante des rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3; 122 V 157 consid. 1; cf. aussi ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). Il suffit d'y renvoyer.  
 
3.2. On rappellera, s'agissant de la valeur probante des rapports médicaux, que selon la jurisprudence, le tribunal peut accorder une pleine valeur probante à une expertise mise en oeuvre dans le cadre d'une procédure administrative au sens de l'art. 44 LPGA, aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de son bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4; 125 V 351 consid. 3b/bb). En effet, au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte de celle exprimée par les experts. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expertise (arrêt 8C_691/2022 du 23 juin 2023 consid. 3.3 et l'arrêt cité).  
 
4.  
Les juges cantonaux ont exposé que la doctoresse B.________ avait diagnostiqué des traits de personnalité évitante ainsi qu'un trouble des habitudes et des impulsions lié à l'addiction aux jeux vidéos. L'experte avait retenu que le recourant disposait d'une pleine capacité de travail dans sa dernière activité de déménageur ainsi que dans toute activité adaptée à son niveau d'instruction, avec peu d'exigence intellectuelle et une liste de tâches précises. L'intéressé opposait à l'avis de l'experte celui de son psychiatre traitant, le docteur C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, qui avait fait état d'un trouble de la personnalité schizoïde, à l'origine d'une incapacité totale de travail sur le marché libre de l'emploi. Au terme de leur analyse des pièces médicales, les premiers juges ont estimé que les conclusions de la doctoresse B.________, plus probantes, devaient être préférées à celles du docteur C.________. Ils ont ensuite écarté le grief du recourant tiré d'un défaut de valeur probante de l'expertise psychiatrique, invoqué au motif que le résumé des pièces médicales avait été confié à un secrétaire et la supervision du rapport d'expertise à une juriste. Enfin, la cour cantonale a mis en exergue des facteurs extra-médicaux (précarité et contexte socio-économique familial) susceptibles d'expliquer les échecs professionnels et la démotivation du recourant. Elle a conclu que l'existence, chez le recourant, d'une maladie psychique invalidante ne pouvait pas être retenue, de sorte que le refus de toute prestation se justifiait. 
 
5.  
 
5.1. Le recourant, qui se plaint de manière générale de constatations manifestement inexactes des faits et de violations du droit, soutient que la juridiction cantonale aurait dû retenir des atteintes psychiques invalidantes sur la base de l'expertise de la doctoresse B.________. Il reproche à l'instance précédente d'avoir estimé que selon le rapport d'expertise, il ne "montrait aucun signe d'une maladie psychiatrique", alors que l'experte a diagnostiqué des troubles psychiques - dont elle a décrit les symptômes - et a recommandé l'introduction d'un traitement anxiolytique, sous la forme d'un antipsychotique atypique. Les juges fribourgeois auraient également versé dans l'arbitraire en constatant qu'aucun traitement médicamenteux n'avait jamais été suivi, le docteur C.________ ayant indiqué, dans un rapport de septembre 2021, que son patient prenait un neuroleptique (Risperidon) et était sous traitement psychiatrique-psychothérapeutique intégré (TPPI). Par ailleurs, il ressortirait de l'expertise que les troubles du recourant auraient des substrats médicaux et que les facteurs psychosociaux et socioculturels relèveraient de l'arrière-plan. Le recourant reproche encore aux premiers juges d'avoir retenu que selon l'experte, il n'était pas en incapacité de travail. Cette dernière aurait en effet indiqué que la mise en place d'une mesure de réinsertion socio-professionnelle était une bonne indication et qu'elle permettrait au recourant de dépasser ses blocages et de commencer un emploi, ce qui reviendrait à dire qu'il est actuellement incapable de travailler dans n'importe quel emploi. La cour cantonale aurait également constaté de manière insoutenable que les échecs professionnels du recourant étaient imputables à des facteurs non médicaux, alors que la doctoresse B.________ aurait validé l'avis du docteur C.________, selon lequel les troubles psychiques feraient obstacle à une formation professionnelle. C'est ainsi que lesdits troubles auraient contraint l'intéressé à interrompre une formation à l'Ecole de culture générale. Enfin, l'autorité précédente aurait relevé à tort qu'il y avait lieu de craindre que le recourant ne soit pas motivé à suivre des mesures de réadaptation professionnelle.  
 
5.2.  
 
5.2.1. S'agissant de l'existence même d'affections psychiques, le passage de l'arrêt cantonal cité par le recourant, où l'on peut lire que selon l'experte, celui-ci "ne montrait [à l'examen du jour] aucun signe d'une maladie psychique", est sorti de son contexte. Il ressort en effet clairement du rapport d'expertise du 22 mars 2021 ainsi que de l'arrêt entrepris que l'experte a diagnostiqué des traits de personnalité évitante ainsi qu'un trouble des habitudes et des impulsions lié à l'addiction aux jeux vidéos. Ce diagnostic n'a du reste pas été remis en cause par la juridiction cantonale, contrairement à celui de trouble de la personnalité schizoïde posé par le docteur C.________. En ce qui concerne la médication du recourant, le tribunal cantonal a bien indiqué que dans son rapport de septembre 2021, ce médecin avait fait état d'un traitement à base de neuroleptiques, qui avait été abandonné et "finalement repris actuellement". Les juges cantonaux n'ont certes pas précisé que dans son rapport d'expertise du 22 mars 2021, la doctoresse B.________ avait proposé un traitement anxiolytique sous la forme d'un antipsychotique. En outre, c'est à tort qu'ils ont relevé "qu'aucun traitement médicamenteux n'a[vait] jamais été suivi". Ces lacunes ne sont toutefois pas déterminantes pour l'issue de la cause. Il ne ressort en effet ni de l'avis de l'experte, ni de celui du psychiatre traitant, que l'introduction ou la reprise d'un traitement médicamenteux serait susceptible de modifier leurs conclusions respectives sur la nature des troubles psychiques du recourant et sa capacité de travail.  
 
5.2.2. L'instance précédente a par ailleurs résumé en détail le rapport d'expertise du 22 mars 2021, exposant en particulier les observations de l'experte appuyant son diagnostic. Contrairement à ce qu'allègue le recourant, celle-ci n'a pas retenu que les facteurs psychosociaux et socioculturels relèveraient de l'arrière-plan. Elle a au contraire motivé son diagnostic notamment par un isolement social, une désocialisation, une perte de l'estime de soi et de motivation, un décalage veille-sommeil, une addiction aux jeux vidéos et un environnement psychosocial carentiel. Dans ces conditions, on ne voit pas non plus que la cour cantonale soit tombée dans l'arbitraire en estimant que la précarité du recourant et le contexte socio-économique familial pouvaient expliquer ses échecs professionnels et son manque de motivation. S'agissant de la capacité de travail, la doctoresse B.________ a clairement conclu à une pleine capacité dans la dernière activité de déménageur ainsi que dans toute activité adaptée au niveau d'instruction, avec peu d'exigence intellectuelle et une liste de tâches précises. Même si elle a évoqué la mise en place d'une "mesure de réinsertion professionnelle" au profit du recourant - sans autre précision - et préconisé un emploi plutôt qu'une formation, afin qu'il dépasse ses blocages, elle n'a pas pour autant conclu à l'existence d'une maladie invalidante. A l'inverse, elle a précisé qu'une entrée dans le monde du travail - qu'elle n'a pas conditionné à une quelconque mesure - pourrait permettre au recourant de se détourner de son comportement addictif aux jeux vidéos et de trouver un rythme se rapprochant de la norme. Quant au point de savoir si le recourant est réellement motivé à suivre une mesure de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle, cette question peut demeurer indécise, dès lors que comme on le verra, les premiers juges ont retenu sans arbitraire qu'il ne présentait de toute manière pas d'incapacité de travail au sens de l'art. 14a al. 1 let. a LAI. Il s'ensuit que les critiques du recourant son mal fondées.  
 
6.  
 
6.1. Le recourant soutient ensuite que le rapport d'expertise de la doctoresse B.________ serait entaché de vices formels, qui auraient dû conduire la cour cantonale à ordonner la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise psychiatrique. Il se plaint du fait que la synthèse du dossier médical, en pages 4 à 6 du rapport, a été effectuée par un secrétaire et que la relecture du rapport a été confiée à une juriste. Or, en application de la jurisprudence (cf. ATF 146 V 9 consid. 4.2.3), on ne saurait considérer comme un simple auxiliaire accomplissant une tâche secondaire la personne qui est chargée par l'expert de résumer le dossier médical ou de relire le rapport pour vérifier la pertinence de ses conclusions, l'activité intellectuelle déployée dans ces situations ayant une influence sur le résultat de l'expertise. Le recourant souligne que les juges cantonaux auraient constaté de manière manifestement erronée qu'aucun indice ne laissait penser que la doctoresse B.________ n'avait pas lu l'intégralité du dossier. Celle-ci aurait en effet relevé à tort une absence de médication - pourtant mentionnée par le docteur C.________ - pour écarter le diagnostic de trouble de la personnalité schizoïde. Cet élément, et d'autres, feraient douter de l'affirmation du BEM selon laquelle l'experte aurait lu l'entier du dossier de l'assurance-invalidité. Dans son rapport d'expertise, l'experte n'aurait notamment pas discuté un rapport du 18 décembre 2020 établi par le docteur D.________, spécialiste en médecine interne générale auprès du Service médical régional (SMR). En outre, la synthèse des rapports du docteur C.________ figurant dans le rapport d'expertise passerait sous silence plusieurs faits médicaux essentiels, qui auraient été ignorés par l'experte. Le recourant ajoute que l'absence d'une relecture du rapport d'expertise par un médecin aurait pour effet que l'expertise présenterait des contradictions, des incohérences et des erreurs, portant notamment sur son aptitude à évoluer en groupe et sa capacité de travail.  
 
6.2.  
 
6.2.1. Dans le cas publié à l'ATF 146 V 9, l'assuré, se plaignant d'une violation de son droit d'être entendu, faisait valoir qu'un tiers médecin avait participé à une expertise - au sens de l'art. 44 LPGA - sans que son nom ne lui eût été communiqué. Exposant que l'expert mandaté par l'assureur a l'obligation d'exécuter personnellement le mandat d'expertise, le Tribunal fédéral a précisé que cette obligation n'exclut cependant pas que l'expert recoure à l'assistance d'un auxiliaire, qui agit selon ses instructions et sous sa surveillance, pour effectuer certaines tâches secondaires, par exemple assurer des tâches techniques (analyses) ou des travaux de recherche, de rédaction, de copie ou de contrôle. Une telle assistance fournie par un tiers compétent pour des tâches secondaires est admissible sans qu'on puisse y voir une substitution du mandataire soumise à l'accord de l'assureur, pour autant que la responsabilité de l'expertise, en particulier la motivation et les conclusions de celle-ci ainsi que la réponse aux questions d'expertise, reste en mains de l'expert mandaté. Il est en effet essentiel que l'expert mandaté accomplisse personnellement les tâches fondamentales d'une expertise médicale en droit des assurances, puisqu'il a été mandaté précisément en raison de son savoir, de ses connaissances scientifiques spécifiques et de son indépendance. Font notamment partie des tâches fondamentales d'expertise, qui ne peuvent pas être déléguées, la prise de connaissance du dossier dans son ensemble et son analyse critique, l'examen de la personne soumise à l'expertise ou le travail intellectuel de réflexion portant sur l'appréciation du cas et les conclusions qui peuvent être tirées, cas échéant dans le cadre d'une discussion interdisciplinaire (ATF 146 V 9 consid. 4.2.2).  
 
6.2.2. Selon le Tribunal fédéral, l'obligation de communiquer le nom des médecins mandatés préalablement à l'expertise concerne la personne qui est chargée par l'assurance-invalidité d'effectuer l'expertise. En revanche, cette obligation ne s'étend pas au nom du tiers qui assiste l'expert pour des activités annexes ne faisant pas partie des tâches fondamentales d'expertise. A cet égard, on ne saurait considérer comme un simple auxiliaire accomplissant une tâche secondaire le médecin qui est chargé par l'expert d'établir l'anamnèse de base de la personne soumise à l'expertise, d'analyser et de résumer le dossier médical ou de relire le rapport pour vérifier la pertinence de ses conclusions. L'activité intellectuelle déployée par le médecin dans ces situations peut en effet avoir une influence sur le résultat de l'expertise. Par exemple, la démarche consistant à établir le résumé du dossier médical implique une analyse comprenant déjà une certaine marge d'interprétation; même si le résumé ne doit contenir que des extraits des pièces du dossier, il repose sur une sélection des dates, informations et données qui sont considérées comme déterminantes pour son auteur. Une telle sélection contribue au résultat de l'expertise. Le Tribunal fédéral en a conclu que le nom du médecin auquel est confiée la tâche d'établir l'anamnèse de base ou le résumé du dossier ou celle de relire l'expertise afin d'en assurer la pertinence formelle doit être communiqué au préalable à l'assuré (ATF 146 V 9 consid. 4.2.3).  
 
6.3.  
 
6.3.1. La jurisprudence susmentionnée ne dit pas que la synthèse d'un dossier médical ou la relecture d'un rapport d'expertise ne peuvent pas être effectuées par des membres du personnel non médical d'un centre d'expertises, mais que si un médecin se charge de telles tâches, son nom doit être communiqué à l'assuré. En l'espèce, rien n'indique que la juriste du BEM se soit adonnée à une relecture du rapport d'expertise en portant un regard critique sur des aspects médicaux qui échapperaient à ses compétences professionnelles. Elle n'y a du reste apporté aucune modification et n'en a suggéré aucune à l'experte, de sorte que l'on peut exclure qu'elle ait procédé à une analyse d'ordre médical influençant le résultat de l'expertise. En outre, ni la loi ni la jurisprudence n'imposent qu'un rapport d'expertise soit relu par un autre médecin. La relecture finale de l'expertise de la doctoresse B.________ par une juriste, dont on peut admettre qu'il s'agissait d'un contrôle de qualité avec essentiellement pour objectif d'en vérifier le contenu sur un plan formel ainsi que le caractère complet et compréhensible pour un juriste ne disposant pas de connaissances médicales, échappe dès lors à la critique. S'agissant du résumé du dossier médical, il convient de distinguer l'activité intellectuelle déployée dans ce cadre par un médecin de celle d'un secrétaire d'un centre d'expertises. En synthétisant un dossier, un médecin est déjà susceptible de se livrer à une analyse d'ordre médical, par exemple en écartant des éléments qu'il estime non pertinents pour l'appréciation du cas, ou en mettant l'accent sur ceux qu'il considère importants. En revanche, le secrétaire d'un centre d'expertises accomplit un travail ayant une composante administrative prépondérante. Il est censé se limiter à résumer les pièces au dossier, sans se prêter à une sélection de dates, informations ou données qu'il jugerait déterminantes ou non. En tout état de cause, quand bien même un secrétaire outrepasserait ses compétences en se livrant à une telle sélection, et/ou présenterait un résumé comportant des lacunes voire des inexactitudes, l'expert reste tenu de prendre connaissance de l'ensemble des pièces et de porter un regard critique sur le résumé élaboré par un tiers. En établissant son rapport final et en le signant, l'expert se porte garant du rapport dans son intégralité, y compris de la synthèse du dossier, que celle-ci ait été effectuée par lui-même, par un autre médecin ou par un membre du personnel non médical d'un centre d'expertises. Ainsi, en l'absence de sérieux indices laissant penser que l'expert n'a pas exécuté son mandat dans les règles de l'art, on ne saurait nier la valeur probante de son expertise au seul motif qu'un secrétaire a procédé à la synthèse du dossier.  
 
6.3.2. En l'espèce, les arguments du recourant ne permettent pas de conclure que la doctoresse B.________ aurait omis des éléments déterminants en se fondant sur le résumé du secrétaire du BEM. Le traitement médicamenteux du recourant a été instauré postérieurement au rapport d'expertise du 22 mars 2021, de sorte que l'on ne saurait faire grief à l'experte d'avoir fait état de l'absence de toute médication dans ce rapport. Dans son rapport du 8 février 2021, le docteur C.________ n'a en effet fait qu'envisager l'instauration (future) d'un neuroleptique. Ce n'est que dans son rapport de septembre 2021 qu'un traitement par Risperidon a été mentionné. Comme déjà vu, la prise de ce médicament est sans influence sur l'issue du litige (cf. consid. 5.2.1 in fine supra). L'avis du docteur D.________ du 18 décembre 2020 a été résumé en détail dans le rapport d'expertise et le passage mis en évidence par le recourant - concernant les chances de succès d'éventuelles mesures de réadaptation - y figure. Rien n'indique que l'experte n'ait pas pris en compte cet avis, étant entendu qu'un simple pronostic concernant de potentielles mesures de réadaptation ne saurait fonder un droit à de telles mesures. Le résumé, présenté dans le rapport d'expertise, des rapports du psychiatre traitant, ne passe pas sous silence des éléments essentiels qui auraient été ignorés par l'experte. Le recourant se plaint de ce que la synthèse du rapport du 6 août 2020 ne contient pas un extrait de ce rapport évoquant la présence de symptômes tels que l'absence de plaisir, la présence d'une froideur, la difficulté à exprimer des réactions chaleureuses ou colériques, une indifférence et un caractère solitaire. Or le résumé relève notamment des bizarreries du comportement et des difficultés dans la gestion des émotions, en ce sens que le recourant n'exprime pas ses émotions, ainsi que son caractère solitaire et ses difficultés à évoluer en groupe. Ces constatations correspondent aux symptômes décrits par le docteur C.________ dans son rapport. Le recourant relève encore que ce dernier a indiqué que son patient se plaignait, au départ, d'une symptomatologie anxieuse et dépressive, et qu'une symptomatologie psychotique - qui a motivé l'introduction d'un traitement par neuroleptique - n'est ressortie que plus tard. Il résulte toutefois bien du rapport d'expertise, notamment de la synthèse de l'avis du psychiatre traitant du 8 février 2021, qu'une prise en charge médicamenteuse a été envisagée en lien avec le diagnostic de trouble de la personnalité schizoïde, et que le motif initial de la prise en charge psychiatrique était un état d'angoisse.  
 
6.3.3. Les autres prétendues incohérences de l'experte relevées par le recourant n'en sont pas. Il n'est ainsi pas contradictoire de faire état d'un isolement social, de désocialisation et d'un comportement évitant, tout en retenant une capacité à évoluer en groupe, au vu notamment de l'accomplissement du service civil dans un environnement professionnel classique. Comme cela ressort de qui a déjà été exposé (cf. consid. 5.2.2 supra), il n'y a pas non plus d'incohérence à attester une pleine capacité de travail, tout en soulignant que l'exercice d'une activité professionnelle pourrait permettre de dépasser certains blocages. L'expertise ne prête pas non plus le flanc à la critique en tant que la doctoresse B.________ s'est prononcée sur la capacité de travail du recourant dans l'activité de déménageur, et non dans une activité dans le domaine social, que le recourant aurait pu exercer s'il avait terminé l'Ecole de culture générale. Il était en effet demandé à l'experte d'examiner ladite capacité de travail dans la dernière activité de l'intéressé, et celui-ci a lui-même fait savoir à l'experte que son ultime activité était dans le déménagement. Par ailleurs, l'experte n'a pas conclu à l'existence de troubles psychiques incapacitants, qui seraient à l'origine de l'interruption de la formation entamée par le recourant. Elle s'est limitée à relever qu'actuellement, la reprise d'un travail semblait plus indiquée qu'une formation. Contrairement à ce que soutient le recourant, les juges cantonaux n'ont pas violé son droit d'être entendu en ne discutant pas les prétendues contradictions, incohérences et erreurs contenues dans le rapport d'expertise. Ses griefs doivent donc être écartés.  
 
7.  
 
7.1. Le recourant reproche encore à la cour cantonale de ne pas avoir constaté que la doctoresse B.________ avait ignoré des éléments invalidants de nature clinique et diagnostique, et que son expertise était viciée pour ce motif. En passant sous silence les griefs émis par le recourant à ce propos, les juges cantonaux auraient en outre violé son droit d'être entendu. L'experte aurait notamment indiqué à tort que le recourant entretenait de bonnes relations avec sa mère, et n'aurait pas fait mention de ses difficultés à l'école, en particulier du harcèlement scolaire dont il aurait fait l'objet et qui aurait contribué au développement d'une personnalité schizoïde. Afin de prouver que l'experte n'avait pas retranscrit correctement ses déclarations, le recourant aurait requis auprès du tribunal cantonal l'audition de sa mère. Or cette réquisition de preuve n'aurait même pas été mentionnée dans l'arrêt attaqué. Par ailleurs, l'experte aurait retenu de manière erronée que le recourant ne souffrait d'aucun symptôme de persécution ni d'aucune discordance idéo-affective, et qu'aucun traitement médicamenteux n'avait été prescrit, écartant ainsi le trouble de la personnalité schizoïde, pourtant attesté par le docteur C.________. Le recourant soutient qu'à l'inverse, les rapports de celui-ci seraient exempts d'incohérences, contrairement à ce qu'a retenu la juridiction cantonale. Les juges fribourgeois se seraient du reste livrés à des appréciations médicales échappant à leur domaine de compétence, en constatant que des manifestations d'angoisse et d'anxiété semblaient peu compatibles avec les traits typiques d'un trouble schizoïde, et que l'isolement social du recourant relevait d'une problématique psychosociale ainsi que d'une addiction aux jeux vidéos. Au terme de plusieurs examens cliniques, le docteur C.________ aurait diagnostiqué un trouble de la personnalité schizoïde sur la base de symptômes qu'il a décrits. Il aurait précisé l'impact de cette affection - à l'origine d'un délire persécutoire - sur la capacité de travail du recourant. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'instance précédente aurait dû ordonner la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire.  
 
7.2.  
 
7.2.1. Il ressort du rapport d'expertise que le recourant a indiqué à l'experte que ses relations avec sa mère étaient bonnes depuis l'enfance, et qu'il a ensuite confirmé avoir une bonne entente avec elle. S'agissant de la problématique liée à un harcèlement scolaire, le rapport d'expertise n'en fait pas mention. Le fait que le docteur C.________ a fait état - ensuite de l'établissement de ce rapport - de quolibets de la part d'autres élèves, ainsi que d'une mauvaise relation avec la mère, ne permet pas de conclure que l'experte aurait retranscrit de manière erronée les déclarations du recourant. En tant qu'il se plaint du rejet (implicite), par appréciation anticipée des preuves, de sa requête tendant à l'audition de sa mère, le recourant n'expose pas en quoi cette manière de faire serait arbitraire. Son grief ne répond donc pas aux exigences de motivation posées par la jurisprudence (cf. ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 144 II 427 consid. 3.1.3). L'experte a par ailleurs exposé de manière détaillée pour quels motifs elle s'était écartée de l'appréciation du psychiatre traitant, plus particulièrement de son diagnostic de trouble de la personnalité schizoïde et des symptômes qui selon lui l'étayaient. Elle a conclu pour sa part à une pleine capacité de travail, quand bien même elle préconisait l'introduction d'un traitement médicamenteux. On ne voit donc pas qu'elle ait ignoré des éléments déterminants établissant l'invalidité du recourant, ni que le tribunal cantonal ait failli à son obligation de motiver en ne se prononçant pas sur ces prétendus vices.  
 
7.2.2. Pour le reste, la doctoresse B.________ a notamment diagnostiqué un trouble des habitudes et des impulsions lié à une addiction aux jeux vidéos. Elle a en outre relevé un isolement social et des difficultés psychosociales (environnement psychosocial carentiel). On ne saurait donc reprocher aux premiers juges d'avoir procédé eux-mêmes à une appréciation médicale en faisant leurs ces constats de l'experte. En revanche, ils ont agi de la sorte en retenant qu'un état d'angoisse et d'anxiété ne semblait pas compatible avec les traits typiques d'un trouble schizoïde, ce qui ne ressort d'aucune pièce médicale au dossier. Il n'y a toutefois pas lieu de retenir que l'avis du docteur C.________ ferait état d'éléments objectivement vérifiables pertinents ayant été ignorés par la doctoresse B.________, de telle façon à remettre en cause les conclusions de celle-ci (cf. consid. 3.2 supra). Cette experte a exposé en détail les raisons qui l'ont conduite à retenir son diagnostic et à écarter celui du psychiatre traitant. Elle a, en particulier, relevé l'absence de nombreux critères diagnostic du trouble de la personnalité schizoïde, expliquant que les symptômes évoqués par son confrère pouvaient aussi correspondre à d'autres diagnostics, tel celui de trouble de la personnalité évitante. Dans son dernier rapport de septembre 2021, le docteur C.________ a certes maintenu son opinion divergente. Il n'a cependant pas mis en exergue des éléments déterminants qui auraient échappé à l'experte. On ajoutera qu'il n'a pas expliqué comment le recourant, qui souffrirait depuis l'âge de 15 ans du trouble à l'origine de son incapacité de travail, aurait pu dans ces conditions accomplir sans difficultés particulières son service civil durant douze mois. C'est ainsi à juste titre que les juges cantonaux n'ont pas ordonné d'expertise psychiatrique et ont confirmé la décision de l'intimé du 23 mars 2022. Les derniers griefs du recourant tombent ainsi à faux.  
 
8.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la I re Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg et à l'Office fédéral des assurances sociales.  
 
 
Lucerne, le 17 novembre 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny