6B_1199/2022 28.08.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1199/2022  
 
 
Arrêt du 28 août 2023  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Denys et van de Graaf. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de la République 
et canton du Jura, 
Le Château, 2900 Porrentruy, 
recourant, 
 
contre  
 
1. A.A.________, 
représentée par Me Gwenaël Ponsart, avocat, 
2. B.A.________, 
représenté par Me Mathias Eusebio, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Violation du devoir d'assistance et d'éducation; 
lésions corporelles simples; arbitraire, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal 
de la République et canton du Jura, Cour pénale, 
du 30 août 2022 (CP 17/2021 et 35/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 4 février 2021, la juge pénale du Tribunal de première instance du canton du Jura a reconnu A.A.________ et B.A.________ coupables de violation du devoir d'assistance ou d'éducation, infraction commise sur une période indéterminée, à tout le moins entre 2014 et jusqu'au 12 juillet 2018, au préjudice de leurs trois enfants. Elle a condamné A.A.________ à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 10 fr. le jour, avec sursis pendant trois ans, et B.A.________ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 10 fr. le jour, avec sursis pendant trois ans, sous déduction de 60 jours de détention avant jugement. Elle les a en outre condamnés tous deux à payer une indemnité pour tort moral symbolique de 1 fr. à chacun de leurs trois enfants, ainsi qu'aux frais judiciaires de première instance les concernant. 
 
B.  
Par jugement du 30 août 2022, la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien a libéré A.A.________ et B.A.________ de la prévention de violation du devoir d'assistance ou d'éducation, infraction commise à U.________, sur une période indéterminée, à tout le moins entre 2014 et jusqu'au 12 juillet 2018 sur leurs trois enfants, a débouté les parties plaignantes de leurs conclusions, a laissé les frais judiciaires de première et seconde instances à la charge de l'État et a alloué aux prévenus acquittés une indemnité pour tort moral. 
En résumé, elle a retenu les faits suivants: 
B.A.________ et A.A.________, d'origine érythréenne, se sont rencontrés au Soudan en 2007 et se sont mariés religieusement quelques mois plus tard (ce mariage n'ayant a priori pas encore été reconnu en Suisse). Ne se sentant pas en sécurité en raison de leur religion, les époux ont décidé de venir en Suisse où ils sont arrivés en 2008. Sont issus de leur union C.A.________, née en 2008, D.A.________, née en 2009 et E.A.________, né en 2014. 
Les époux ont rencontré des difficultés conjugales importantes, en grande partie liées aux troubles psychiques dont souffre A.A.________. Leur relation a ainsi été émaillée de plusieurs faits de violence, essentiellement verbale; une première crise importante a éclaté en 2017, à l'issue de laquelle A.A.________ a été hospitalisée, puis placée avec les enfants à F.________ à V.________. Les enfants, qui ont eu connaissance de cette crise, n'y ont toutefois pas été confrontés. lls étaient en revanche présents dans l'appartement lors de trois épisodes survenus au printemps 2018; ils ont assisté en partie à ces crises. 
Compte tenu de l'état de santé de A.A.________ et de l'absence de B.A.________ du domicile familial, une aide sous forme de curatelle a été apportée à A.A.________ incapable de s'occuper seule de ses enfants. A la suite des événements de 2017, il a également été décidé d'augmenter la prise en charge des enfants par la crèche. En dépit de ces aides, les filles et en particulier C.A.________, ont été "parentifiées". Elles ont été amenées à participer activement aux tâches ménagères quotidiennes: ménage, lessive, repas. Les responsabilités que C.A.________ a dû assumer l'ont "impactée" et ont nécessité une prise en charge au début de son placement. 
B.A.________ a frappé chacune de ses filles avec une ceinture à plus d'une reprise. Si la fréquence de cette punition n'a pas pu être établie, tout conduit néanmoins à penser qu'elle a été appliquée de manière exceptionnelle sur une très courte période. B.A.________ a vraisemblablement cessé de l'infliger à ses filles entre le mois de novembre 2014 et le mois de mars 2015, époque à laquelle il a quitté la Suisse pour se rendre en Angleterre. Par la suite, il n'a plus jamais agi de la sorte. Il est en outre retenu qu'en sus des punitions dites "habituelles", telles qu'une privation d'écran ou une obligation d'aller au coin, A.A.________ a parfois contraint ses trois enfants à se mettre à genoux les mains en l'air, pendant quelques minutes. 
Divers troubles ont été constatés chez les enfants lors de leur placement. Outre les problèmes de "parentification" relevés ci-dessus, C.A.________ a entrepris un suivi psychologique afin de gérer ses émotions. Elle présentait par ailleurs des difficultés d'endormissement et des maux de ventre fréquents, problèmes qui se sont résorbés. Finalement, C.A.________ s'est confiée à plusieurs reprises sur la violence qu'elle a subie et elle a régulièrement souhaité obtenir des explications sur ce qui peut être considéré comme normal ou non. Des difficultés d'endormissement ont également été constatées chez D.A.________ et prises en charge par le foyer. Elle avait en outre de nombreuses pellicules et de gros soucis d'asthme, problèmes qui ne sont plus d'actualité. Au niveau scolaire, tant D.A.________ que C.A.________ ont de bonnes capacités et aucune difficulté au niveau psychique par rapport aux événements passés n'a été constatée chez E.A.________. 
 
C.  
Contre ce dernier jugement cantonal, le Ministère public du canton du Jura a déposé un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme du jugement attaqué en ce sens que B.A.________ et A.A.________ sont condamnés pour violation du devoir d'assistance et d'éducation à une peine privative de liberté de douze mois avec sursis pendant deux ans. A titre subsidiaire, il requiert la réforme du jugement attaqué en ce sens que B.A.________ et A.A.________ sont condamnés pour lésions corporelles simples à une peine pécuniaire de 180 jours-amende avec sursis durant deux ans. A titre plus subsidiaire, il sollicite l'annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision sur la déclaration de culpabilité et la fixation de la peine. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
En application de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF, l'accusateur public a qualité pour former un recours en matière pénale. Savoir quelle autorité au sein d'un canton constitue l'accusateur public est une question qui doit se résoudre à l'aune de la LTF. Ainsi, lorsqu'il existe un ministère public compétent pour la poursuite de toutes les infractions sur l'ensemble du territoire, seule cette autorité aura la qualité pour recourir au Tribunal fédéral. En revanche, savoir qui, au sein de ce ministère public, a la compétence de le représenter est une question d'organisation judiciaire, à savoir une question qui relève du droit cantonal (ATF 142 IV 196 consid. 1.5.2). 
Dans le canton du Jura, la compétence du ministère public s'étend à l'ensemble du canton; le ministère public ne connaît pas de morcellement territorial ou par matière. Seul accusateur public, il est donc compétent pour recourir au Tribunal fédéral. Le point de savoir qui au sein de cette autorité est habilité à le représenter est réglé par le droit cantonal. Selon l'art. 14 de la loi jurassienne d'introduction du Code de procédure pénale Suisse (LiCPP-JU; RS/JU 321.1), chaque procureur a qualité pour saisir le Tribunal fédéral. 
En l'occurrence, le recours a été formé et signé par un procureur du Ministère public jurassien. Il est donc recevable sous cet angle. 
 
2.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir établi certains faits de manière manifestement inexacte. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 p. 91 s.; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.; 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; sur la notion d'arbitraire v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 146 IV 114 consid. 2.1 p. 118; 146 IV 88 consid. 1.3.1 p. 92; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156).  
 
2.2. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir écarté les déclarations de E.A.________ et d'avoir arbitrairement retenu que l'enfant n'avait pas subi des punitions du même type que celles subies par ses soeurs, à l'exception de la posture à genoux les mains en l'air.  
La cour cantonale a retenu qu'il n'était pas établi que E.A.________ ait subi les mêmes punitions que ses soeurs compte tenu des déclarations opposées des filles. Elle a ainsi constaté que seule D.A.________ avait déclaré que son petit frère avait également subi un coup de ceinture à l'âge de deux ou trois ans, alors que sa soeur avait indiqué que son petit frère ne s'était pas fait punir de la même façon qu'elle (jugement attaqué consid. 3.3.11 p. 25). La cour cantonale a en outre écarté les déclarations de E.A.________ au motif que son discours avait été "pollué"; en effet, il avait été entendu, alors qu'il état âgé de quatre ans, deux mois après ses soeurs et près de quatre mois après avoir été placé en foyer. Après avoir analysé les déclarations de l'enfant, elle a en outre considéré que son discours, qui paraissait être appris par coeur, était contradictoire et guère crédible (jugement attaqué consid. 3.3.1 p. 18). 
L'analyse de la cour cantonale n'est pas entachée d'arbitraire. A tout le moins, le recourant ne démontre pas en quoi elle le serait. Il se borne à se référer aux déclarations de D.A.________ et de E.A.________. Cette argumentation ne répond pas aux exigences de précision posées à l'art. 106 al. 2 LTF. Elle est irrecevable. 
 
2.3. Le recourant fait grief à la cour cantonale de n'avoir retenu qu'une partie des déclarations des fillettes et d'avoir écarté les déclarations de C.A.________ s'agissant de l'épisode du pimentage.  
La cour cantonale a relevé que seule C.A.________ avait évoqué l'épisode du pimentage, alors même qu'elle avait prétendu que sa soeur avait subi un traitement identique. Dès lors que la fillette avait également fait état d'une punition au piment vert en précisant qu'elle-même ne l'avait pas vécu, mais qu'elle avait vu des images sur internet, la cour cantonale a considéré que C.A.________ avait pu mélanger ses propres souvenirs avec des vidéos regardées sur internet, ce d'autant plus que l'intimée avait précisé avoir une fois massé ses filles avec des plantes rouges provenant d'Érythrée. Elle a pour le surplus considéré que C.A.________, bien que plus âgée que sa soeur, semblait être moins mature; son discours paraissait plus confus, voire incohérent. Compte tenu des discordances entre les déclarations des deux filles et de la personnalité de C.A.________, la cour cantonale a émis des doutes sur la véracité de ses propos concernant l'usage de piment dans le cadre des punitions qui lui avaient été infligées. Pour les mêmes raisons, elle a considéré comme non établie la punition consistant à poser une brique de lait dans chaque main des enfants, à l'image du Christ qui devait porter son poids sur la croix (jugement attaqué p. 22). 
La cour de céans ne voit pas en quoi l'analyse de la cour cantonale serait arbitraire. Le recourant ne donne à cet égard aucune explication. Il se réfère aux déclarations de l'intimée, sans aucun développement. L'argumentation du recourant est manifestement insuffisante. Elle est irrecevable. 
 
3.  
Le recourant conteste l'acquittement des intimés du chef de prévention de violation du devoir d'assistance et d'éducation. En particulier, il reproche à la cour cantonale de ne pas avoir retenu que l'ensemble du comportement des intimés avait mis en danger le développement des enfants. 
 
3.1. Sous le titre marginal "Violation du devoir d'assistance ou d'éducation", l'art. 219 CP punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire celui qui aura violé son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir (al. 1). Si le délinquant a agi par négligence, la peine pourra être l'amende au lieu d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire (al. 2).  
 
3.1.1. Cette disposition protège le développement physique et psychique du mineur, à savoir d'une personne âgée de moins de 18 ans (ATF 126 IV 136 consid. 1b p. 138; 125 IV 64 consid. 1 p. 68).  
 
3.1.2. Pour que l'art. 219 CP soit applicable, il faut d'abord que l'auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d'assistance, c'est-à-dire de protection, ou un devoir d'éducation, c'est-à-dire d'assurer le développement - sur les plans corporel, spirituel et psychique - du mineur (ATF 125 IV 64 consid. 1a p. 68; arrêt 6B_782/2022 du 17 avril 2023, consid. 2.2 destiné à publication). Il doit s'agir d'une relation d'une certaine durée, principalement en ce qui concerne le devoir d'éducation. La position de garant de l'auteur peut être fondée sur la loi, sur une décision de l'autorité ou sur un contrat, voire sur une situation de fait. Sont notamment considérés comme des garants les parents naturels ou adoptifs, le tuteur, le maître d'école, le responsable d'une institution, le directeur d'un home ou d'un internat, l'employeur, la gardienne de jour, la jardinière d'enfants, le personnel soignant dans un hôpital ou une clinique (ATF 125 IV 64 consid. 1a p. 69). Concernant les parents, il importe peu qu'ils vivent ou non avec l'enfant; même s'ils sont séparés de fait, leur obligation d'éducation et d'assistance subsiste.  
Les actes reprochés doivent mettre en danger le développement physique ou psychique du mineur. Définissant un délit de mise en danger concrète, l'art. 219 CP n'exige pas une atteinte à l'intégrité corporelle ou psychique du mineur; une mise en danger suffit, celle-ci devant toutefois être concrète, c'est-à-dire qu'elle doit apparaître vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 consid. 1a p. 139; 125 IV 64 consid. 1a p. 69). 
Sur le plan subjectif, l'auteur peut avoir agi intentionnellement - dans ce cas, le dol éventuel suffit - ou par négligence (ATF 125 IV 64 consid. 1a p. 70). 
 
3.1.3. En pratique, il sera souvent difficile de déterminer quand il y aura un risque pour le développement du mineur. Il sera en particulier difficile de distinguer les atteintes qui devront relever de l'art. 219 CP des traumatismes qui font partie de la vie de tout enfant. Vu l'imprécision de la disposition, la doctrine recommande de l'interpréter de manière restrictive et d'en limiter l'application aux cas manifestes. Des séquelles durables, d'ordre physique ou psychique, devront apparaître vraisemblables, de telle sorte que le développement du mineur sera mis en danger. Pour provoquer un tel résultat, il faudra normalement que l'auteur agisse de façon répétée ou viole durablement son devoir; une transgression du droit de punir de peu d'importance ne saurait déjà tomber sous le coup de l'art. 219 CP (cf. arrêts 6B_457/2013 du 29 octobre 2013 consid. 1.2; 6S. 339/2003 du 12 novembre 2003 consid. 2.3).  
 
3.2. La cour cantonale a retenu en fait que les filles avaient subi des actes de violence physique, à savoir des coups de ceinture, coups portés suffisamment fort pour laisser des marques. C.A.________ a reçu, tout au plus à trois reprises, des coups de ceinture de la part de l'intimé, qui a cessé de lui infliger ce type de punition, en juillet 2018, à savoir lorsqu'elle a atteint l'âge de sept ans. D.A.________ a été plus fréquemment punie que sa soeur; les faits ont cessé à la même période, à savoir lorsqu'elle était âgée de cinq ans environ. Les fillettes ont également été contraintes par l'intimée de se mettre à genoux les mains en l'air ou sur la tête, punition qui a perduré au-delà de juillet 2018.  
En revanche, la cour cantonale n'a pas retenu, à la charge des intimés, les autres punitions infligées aux enfants, notamment celle consistant à forcer les filles à se mettre à genoux avec les mains en l'air, une brique de lait sur chacune des mains, et celle consistant à mettre du piment sur le corps de C.A.________, notamment sur les bords des yeux, lui causant ainsi des brûlures; elle a considéré en effet que les faits à la base de ces punitions n'avaient pas été suffisamment établis. Elle n'a pas non plus retenu, à la charge des intimés, la "parentification" des filles, en particulier l'aînée, qui avaient dû pallier les carences des parents et s'occuper du ménage et de leur frère dans des proportions dépassant ce qui pouvait être attendu d'elles à leur âge, dès lors que ces faits ne figuraient pas dans l'acte d'accusation. 
 
3.3. Il est admis que les intimés ont fondé l'éducation de leurs enfants sur des punitions violentes ou archaïques et ont dépassé ce qui est admissible et ne sauraient se prévaloir d'un éventuel droit de correction. Les coups infligés, à trois reprises, à C.A.________ et, plus fréquemment, à sa soeur D.A.________ n'ont toutefois pas atteint une gravité telle qu'ils soient de nature à mettre en danger le développement physique des enfants. Il en va de même de la punition infligée par l'intimée à ses filles, consistant à les obliger à se mettre à genoux les mains en l'air ou sur la tête.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir fait abstraction de nombreux éléments qui permettraient de considérer que le développement des enfants avait été mis en danger. Il soutient que le climat de violence dans lequel les enfants vivaient a concrètement mis en danger leur développement. C'est ainsi que les fillettes avaient assisté aux disputes de leurs parents et avaient vu la police intervenir à leur domicile. Selon le recourant, il faudrait également tenir compte du fait que l'intimée n'était pas capable de s'occuper de ses enfants et qu'elle faisait appel à des copines et se reposait sur C.A.________ qui assumait trop de responsabilité pour son âge. Enfin, le recourant se réfère à la punition du "pimentage". 
La cour cantonale a certes retenu que les enfants avaient été marqués dans leur développement par la vie familiale en général. Pour que les intimés soient reconnus coupables de violation de leur devoir d'éducation ou d'assistance, il faut toutefois que les troubles connus par les enfants aient été causés par les punitions infligées par leurs parents. Or, comme l'a relevé la cour cantonale, un tel lien ne peut pas être établi. D'autres événements ont en effet pu affecter les enfants, notamment le départ du père du domicile familial, les troubles d'ordre psychique dont souffre la mère ou la "parentification" des fillettes. Or, comme vu ci-dessus, l'importante "parentification" des fillettes et l'épisode du "pimentage" n'ont pas été retenus à la charge des intimés. Dans la mesure de sa recevabilité, l'argumentation du recourant doit ainsi être rejetée. 
 
3.4. En définitive, en niant toute mise en danger du développement de l'enfant du fait des punitions infligées par les intimés, l'autorité cantonale a appliqué correctement l'art. 219 CP, qui - on le rappelle - doit être interprété de manière restrictive.  
 
4.  
Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir examiné si les intimés ne s'étaient pas rendu coupables de lésions corporelles simples. Il explique que, dans la mesure où les intimés contestaient dans leur appel leur condamnation pour violation du devoir d'éducation et d'assistance (art. 399 al. 4 let. a CPP), la cour cantonale - qui considérait que l'infraction prévue à l'art. 219 CP n'était pas réalisée - aurait dû requalifier les faits (art. 404 al. 1 CP). De plus, comme des appels avaient été interjetés tant en faveur qu'en défaveur des intimés, elle n'était pas liée par l'interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP).  
 
4.1. D'après l'art. 391 al. 2 CPP, la juridiction d'appel ne peut pas modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté uniquement en leur faveur (1 re phrase). Elle peut toutefois infliger une sanction plus sévère à la lumière de faits nouveaux qui ne pouvaient pas être connus du tribunal de première instance (art. 391 al. 2 2e phrase CPP).  
 
4.1.1. Selon la jurisprudence, cette disposition n'interdit pas seulement une aggravation de la peine, mais aussi une qualification juridique plus grave des faits. C'est notamment le cas lorsque l'infraction nouvellement qualifiée est sanctionnée par la loi d'une peine plus lourde, maximale ou minimale, ou que des infractions supplémentaires sont retenues (ATF 146 IV 172 consid. 3.3.3 p.182; 139 IV 282 consid. 2.5 p. 288). Ainsi, la juridiction d'appel ne peut pas retenir une infraction omise ou écartée par les premiers juges sans violer l'interdiction de la reformatio in pejus. En revanche, elle peut modifier une qualification juridique erronée, dans la mesure où la nouvelle qualification ne prévoit pas une peine plus lourde, maximale ou minimale (arrêt 6B_392/2015 du 11 mars 2016 consid. 2.1).  
Lorsque deux infractions sont en concours imparfait, la condamnation pour l'une des infractions n'implique pas un acquittement pour l'infraction "absorbée". La qualification peut dès lors être modifiée au profit de celle de l'infraction "absorbée" - à la condition que celle-ci ne soit pas sanctionnée d'une peine plus lourde - même à l'occasion d'un recours formé par le prévenu seul, sans que cela ne viole l'interdiction de la reformatio in pejus (arrêts 6B_392/2015 du 11 mars 2016 consid. 1; arrêt 6B_569/2014 du 24 novembre 2014 consid. 2.2). En revanche, si deux infractions entrent en concours idéal parfait et que le tribunal de première instance n'a pas retenu l'une d'elle, il faut admettre qu'il a acquitté le prévenu pour l'infraction omise, de sorte que la juridiction d'appel ne peut plus condamner l'accusé pour cette infraction, sans violer l'interdiction de la reformatio in pejus (arrêt 6B_392/2015 du 11 mars 2016 consid. 3).  
L'existence d'une reformatio in pejus doit être examinée à l'aune du dispositif (ATF 139 IV 282 consid. 2.6 p. 289).  
 
4.1.2. Dans le cas particulier, comme le relève à juste titre la cour cantonale, les art. 123 et 219 CP entrent en concours idéal parfait (arrêts 6B_1256/2016 du 21 févier 2018 consid. 1.3; 6B_498/2008 du 18 août 2008 consid. 27; 6S.736/2000 du 28 novembre 2000 consid. 1; 6S.859/2000 du 2 février 2001 consid. 4c/bb; 6B_498/2008 du 18 août 2008 consid. 3.3). Le tribunal de première instance aurait donc pu retenir, s'agissant de certaines punitions, l'infraction de lésions corporelles simples parallèlement à celle de l'art. 219 CP. En effet, la violation du devoir d'assistance et d'éducation n'absorbait pas les lésions corporelles simples. Dans la mesure où le tribunal de première instance n'a pas retenu que les punitions infligées aux enfants remplissaient les éléments constitutifs des lésions corporelles simples, il faut admettre que les intimés ont été libérés pour ces faits de la prévention de l'infraction prévue à l'art. 123 CP. En condamnant en appel les intimés pour lésions corporelles simples, la cour cantonale n'aurait donc pas simplement requalifié les faits - comme le soutient le recourant -, mais aurait retenu une nouvelle infraction, écartée par le tribunal de première instance, et donc aggravé la condamnation des intimés.  
 
4.2. Il convient dès lors d'examiner si, comme le soutient le recourant, la cour cantonale pouvait aggraver la situation des intimés et retenir l'infraction de lésions corporelles simples, dès lors que le ministère public avait formé un appel joint en défaveur de ceux-ci.  
 
4.2.1. Dans l'ATF 147 IV 167 consid. 1.5.2 et 1.5.3, le Tribunal fédéral a examiné dans quelle mesure un appel joint pouvait lever l'interdiction de la reformatio in pejus. Il en ressort que l'appel joint interjeté en défaveur du prévenu par le ministère public ne rend l'interdiction de la reformatio in pejus inapplicable que dans les limites des points qui y sont contestés (art. 399 al. 4 CPP en relation avec l'art. 401 al. 1 CPP; cf. aussi arrêt 6B_1210/2020 du 7 octobre 2021 consid. 10.7.2). Ainsi, lorsque, par exemple, l'appel joint du Ministère public porte uniquement sur la quotité de la peine (comme en l'espèce), la juridiction d'appel peut également écarter un motif d'atténuation de la peine qui avait été retenu dans le jugement attaqué (arrêt 6B_724/2017 du 21 juillet 2017 consid. 2.3) ou renoncer à constater la violation du principe de célérité admise en première instance (arrêt 6B_1385/2019 du 27 février 2020 consid. 5.2.2) sans porter atteinte à l'interdiction de la reformatio in pejus; en revanche, elle ne peut pas, dans un tel cas, retenir un verdict de culpabilité supplémentaire ou aggraver la qualification de l'infraction retenue sans violer l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 147 IV 167 consid. 1.5.3).  
 
4.2.2. En l'espèce, le ministère public a déposé un appel joint uniquement s'agissant de la peine prononcée (cf. art. 399 al. 4 let. b CPP) et non sur la question de la culpabilité des intimés (cf. art. 399 al. 4 let. a CPP). En tant qu'il portait sur la quotité de la peine, l'appel joint du ministère public ne permettait donc pas à la juridiction d'appel de retenir une infraction écartée par le tribunal de première instance.  
 
4.3. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale ne pouvait pas condamner les intimés pour lésions corporelles simples, infraction écartée par le tribunal de première instance, sans violer le principe de l'interdiction de la reformatio in pejus. Les griefs soulevés par le recourant sont infondés.  
 
5.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Les intimés, qui n'ont pas été invités à se déterminer, ne sauraient prétendre à des dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour pénale. 
 
 
Lausanne, le 28 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Kistler Vianin