1C_278/2022 27.06.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_278/2022  
 
 
Arrêt du 27 juin 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Müller et Merz. 
Greffière : Mme Rouiller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Anne Bessonnet, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l'environnement de l'Etat de Fribourg (DIME), case postale, 1701 Fribourg, 
Commune de Surpierre, 
route de Granges 5, 1527 Villeneuve FR. 
 
Objet 
Révision d'un plan d'aménagement local, déclassement en zone agricole, 
 
recours contre l'arrêt de la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 4 avril 2022 (602 2021 76). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La société A.________ est propriétaire de l'article 761 du registre foncier (ci-après: RF) de la commune de Surpierre. Ce terrain, d'une surface de 6'691m2, était initialement affecté à la zone résidentielle à faible densité R1 et compris dans le périmètre du plan d'aménagement de détail "Beauregard" (ci-après: PAD Beauregard). 
Confrontée à un surdimensionnement de sa zone à bâtir, la commune de Surpierre a procédé à une modification du PAD Beauregard, approuvée le 29 juin 2016 par la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions de l'Etat de Fribourg (actuellement la Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l'environnement; ci-après: DIME). Dans ce cadre, un morcellement parcellaire a été effectué et la partie correspondant à l'actuel article 761 RF a été sortie du périmètre du PAD Beauregard et placée en zone réservée. 
 
B.  
En 2018, par avis publié dans la Feuille officielle, la commune de Surpierre a mis à l'enquête publique la révision de son plan d'aménagement local (ci-après: PAL). Celui-ci prévoit notamment le déclassement, en zone agricole, de l'article 761 RF. Le rapport explicatif indique à cet égard que ce "terrain au Nord de la commune est déclassé en zone agricole, car il n'est pas équipé et situé en dehors du secteur largement bâti. De plus, il présente une topographie en forte pente. Sa proximité avec des haies existantes et son exposition en font également un secteur sensible du point de vue paysager. De ce fait, une urbanisation à cet endroit n'est pas judicieuse. Cette modification a été préavisée positivement par le SeCA [Service des constructions et de l'aménagement du canton de Fribourg] dans sa synthèse d'examen préalable du 8 novembre 2017". 
Par décision du 19 mars 2019, le Conseil communal de Surpierre a rejeté l'opposition formée par A.________ contre cette révision du PAL. En date du 14 avril 2021, la DIME a rejeté le recours de A.________ contre la décision du Conseil communal de Surpierre et a approuvé partiellement la révision générale du PAL. En particulier, elle a approuvé la modification prévoyant le déclassement de l'article 761 RF. 
 
C.  
Par arrêt du 4 avril 2022, la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal fribourgeois (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours formé par A.________ contre les décisions de la DIME. Elle a en substance considéré que la décision de déclassement de l'article 761 RF permettait d'éviter une aggravation du mitage du territoire, s'agissant d'un terrain situé à plus de 400 mètres du village, en bordure d'un petit secteur dont la constructibilité n'était pas conforme au droit; le fait que la commune avait affirmé en 2009 qu'elle ne s'opposerait pas à une mise en valeur du terrain ne constituait pas une assurance sur le maintien en zone à bâtir. A.________ ne pouvait pas non plus se plaindre d'une inégalité de traitement, dès lors que les terrains pris en comparaison ne se trouvaient pas dans une situation similaire au sien. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal en ce sens que les décisions de la DIME du 14 avril 2021, ainsi que la décision de la commune de Surpierre du 19 mars 2019 levant son opposition sont annulées. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal se réfère à son arrêt et conclut au rejet du recours. La DIME conclut également au rejet du recours. La commune de Surpierre conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité et à la confirmation de la décision de la DIME concernant l'approbation partielle du PAL. Invité à se déterminer, l'Office fédéral du développement territorial conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause relevant de l'aménagement du territoire (art. 82 let. a LTF et 34 al. 1 LAT), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure devant l'instance cantonale; elle est particulièrement atteinte par l'arrêt attaqué et dispose d'un intérêt digne de protection à sa modification, celui-ci confirmant le transfert en zone agricole de la parcelle dont elle est propriétaire. Elle a ainsi qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
 
2.  
La recourante semble se plaindre d'une violation de son droit d'être entendue, en ce que l'autorité précédente n'aurait pas donné suite à sa requête d'inspection locale. 
 
2.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour la personne intéressée de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 143 V 71 consid. 4.1). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). Dans ce contexte, la partie recourante est soumise aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 146 I 62 consid. 3).  
 
2.2. En l'espèce, la recourante soutient que l'inspection locale aurait permis au Tribunal cantonal de constater que les critères retenus par les autorités précédentes, soit en particulier l'absence d'équipement de l'article 761 RF, mais également sa forte pente, sa situation et sa sensibilité du point de vue paysager, ne pouvaient fonder un déclassement.  
Le Tribunal cantonal n'a pas donné suite à la demande de la recourante. Il a ainsi implicitement considéré qu'il était suffisamment renseigné pour statuer sur la seule base du dossier. En effet, celui-ci comprend notamment les extraits pertinents du Rapport explicatif et de conformité en lien avec la révision générale du PAL, dont le plan des éléments modifiés, qui donne une vue d'ensemble des modifications apportées et permet d'appréhender les enjeux principaux de la révision. C'est dès lors sans arbitraire qu'il a rejeté la mesure d'instruction requise. Partant, le grief de violation du droit d'être entendu doit être écarté. 
 
3.  
La recourante se plaint d'une constatation inexacte des faits sur plusieurs points. Elle estime, d'une part, que les données concernant l'équipement, la situation, la pente et la sensibilité du point de vue paysager de l'article 761 RF, utilisées pour appuyer la décision de déclassement, sont erronées. D'autre part, elle considère qu'un courrier, adressé en novembre 2009 par la commune à la recourante, constituerait une assurance que le terrain serait maintenu en zone à bâtir, assurance donnée alors que la commune était déjà consciente du surdimensionnement de sa zone à bâtir. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 148 I 160 consid. 3; 146 I 62 consid. 3). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (cf. ATF 148 I 104 consid. 1.5; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
3.2. Les griefs soulevés par la recourante relatifs à la constatation inexacte des faits l'ont déjà été devant le Tribunal cantonal et la recourante ne fait que les reprendre céans. Cette manière de procéder n'étant pas compatible avec l'obligation de motiver posée à l'art. 106 al. 2 LTF, ces griefs sont irrecevables.  
Au demeurant, dans la mesure où ils ressortent du dossier et n'ont pas été explicitement écartés par le Tribunal cantonal, la recourante est libre de reprendre céans les éléments de fait dont elle entend se prévaloir. 
S'agissant de la lettre de 2009, son contenu est rappelé dans l'arrêt attaqué. La question de savoir si la recourante peut en déduire des assurances en sa faveur est en revanche une question de droit, que la recourante ne discute pas. 
 
4.  
Sur le fond, la recourante soutient que les conditions du déclassement de l'article 761 RF en zone agricole ne seraient pas réunies. 
 
4.1. Aux termes de l'art. 15 LAT, les zones à bâtir sont définies de telle manière qu'elles répondent aux besoins prévisibles pour les quinze années suivantes (al. 1) et les zones à bâtir surdimensionnées doivent être réduites (al. 2). En particulier, le principe de regroupement des constructions (principe de concentration) nécessite que les bâtiments soient en règle générale rassemblés dans un espace déterminé cohérent et clairement séparé du territoire non construit et que le développement de l'urbanisation se fasse vers l'intérieur du milieu bâti (cf. art. 1 al. 2 let. a bis LAT; ATF 116 Ia 335 consid. 4a; arrêt 1C_361/2020 du 18 janvier 2021 consid. 4.2 et références). Il s'agit d'éviter le développement de constructions en ordre dispersé, de préserver les espaces agricoles, les paysages et les sites, et d'assurer une utilisation mesurée du sol (ATF 119 Ia 411 consid. 2b; arrêt 1C_361/2020 du 18 janvier 2021 consid. 4.2).  
Selon la jurisprudence constante, les petites zones à bâtir isolées situées à l'extérieur des zones constructibles sont un facteur de dispersion des constructions et vont à l'encontre du principe fondamental de concentration. Elles ne sont pas seulement inopportunes, mais également contraires à la loi (ATF 124 II 391 consid. 3a; arrêt 1C_361/2020 du 18 janvier 2021 consid. 4.2). 
Au surplus, le fait qu'un terrain soit équipé ne permet pas de conclure qu'il aurait dû être maintenu en zone à bâtir (ATF 117 Ia 434 consid. 3g; arrêt 1C_507/2012 du 4 mars 2013 consid. 3.2). 
 
4.2. La recourante paraît ne contester ni la nécessité d'un redimensionnement de la zone à bâtir de la commune de Surpierre, ni la quotité du redimensionnement nécessaire. Elle fait cependant valoir que les conditions d'un déclassement de l'article 761 RF ne sont pas réunies, en particulier en raison du fait que cet article se trouve en continuité d'une zone à bâtir. Dans le même grief, elle reproche également à la motivation de l'arrêt entrepris d'être "taisante" sur ce point, ce que l'on peut comprendre comme la dénonciation d'une violation de son droit d'être entendue.  
Outre le fait qu'il est douteux que les exigences de motivation en lien avec l'alléguée violation du droit d'être entendu soient réalisées (art. 106 al. 2 LTF; cf. ci-dessus consid. 2.1), il ressort de l'arrêt attaqué que le Tribunal cantonal a clairement mentionné les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (cf. pp. 6 à 8 de l'arrêt attaqué). Le grief de violation du droit d'être entendu est infondé. 
 
4.3. La parcelle en cause est située à plus de 400 mètres au Nord-Est du village et se trouve à l'extrémité du PAD Beauregard, pratiquement entourée de terrains agricoles. Comme le relève le Tribunal cantonal, le PAD Beauregard constitue lui-même typiquement une petite zone à bâtir isolée, contraire au principe de concentration du bâti (cf. consid. 4.1 ci-dessus), ce que la recourante ne conteste pas. L'affectation de l'article 761 RF en zone à bâtir aggraverait encore davantage cette situation de mitage du territoire en permettant la réalisation d'autres bâtiments et serait contraire aux principes fondamentaux de l'aménagement du territoire. Par conséquent, la décision de la DIME, confirmée par le Tribunal cantonal, était la seule à même de limiter cette situation contraire au droit de l'aménagement du territoire et de mettre fin au développement du bâti dans ce secteur.  
Il s'ensuit que le déclassement de l'article 761 RF est conforme au droit fédéral et doit être confirmé. 
Au demeurant, l'argument de la recourante concernant l'équipement du terrain n'est pas pertinent, cet élément n'étant pas déterminant pour le maintien d'un terrain en zone à bâtir. Dans la mesure où les conditions du déclassement sont remplies et celui-ci confirmé, il n'y a pas lieu d'examiner les questions de la pente du terrain et de la sensibilité du site du point de vue paysager. 
 
5.  
La recourante se prévaut finalement d'une violation du principe de l'égalité de traitement, au motif qu'une autre parcelle non bâtie, proche de l'article 761 RF, a été maintenue en zone à bâtir et que certaines parcelles situées au centre du village et qui se trouvaient jusqu'alors en zone agricole ont été colloquées en zone à bâtir. 
 
5.1. Une décision viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 153 consid. 5.1; 140 I 77 consid. 5.1). Les griefs de violation des droits fondamentaux étant soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF), la partie recourante doit mentionner les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 141 IV 369 consid. 6.3; 136 II 489 consid. 2.8).  
 
5.2. En l'espèce, le grief de violation du principe de l'égalité de traitement, soulevé sous l'angle de l'arbitraire uniquement, a été traité par le Tribunal cantonal, lequel a rappelé la portée limitée de ce principe en matière d'aménagement du territoire et a jugé que les terrains pris en comparaison par la recourante ne sont pas dans une situation similaire au sien. La recourante ne fait que reprendre lapidairement son grief, sans s'en prendre aux considérants pertinents du Tribunal cantonal. Une telle manière de procéder ne remplit pas les exigences de motivation découlant de l'art. 106 al. 2 LTF et le grief est par conséquent irrecevable.  
 
6.  
Il résulte de ce qui précède que le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Les frais sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). La commune et les autres autorités concernées n'ont pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, à la Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l'environnement de l'Etat de Fribourg (DIME), à la Commune de Surpierre, à la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg et à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 27 juin 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Rouiller