6B_1049/2021 16.08.2022
Avviso importante:
Le versioni vecchie di Netscape non sono in grado di mostrare i grafici. La funzionalità della pagina web è comunque garantita. Se volesse utilizzare frequentemente questa pagina, le raccomandiamo di installare un browser aggiornato.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1049/2021  
 
 
Arrêt du 16 août 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, Abrecht et van de Graaf, 
Greffière : Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Romain Jordan, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Infraction de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière; intention; honoraires; réduction; droit d'être entendu, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 1er juin 2021 (P/12533/2017 AARP/175/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 6 décembre 2019, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu A.________, née en 1978, coupable de violation grave des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 2 de la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (RS 741.01; LCR) et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 20 jours-amendes à 190 fr. l'unité, avec sursis pendant trois ans. 
 
B.  
Par arrêt du 1er juin 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a partiellement admis les appels formés contre ce jugement par le Ministère public et par A.________. Elle a condamné cette dernière pour violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 4 LCR) à un travail d'intérêt général de 280 heures avec sursis durant deux ans. Elle a fixé l'indemnité due par l'État à la recourante à 2806 fr. 10. 
 
En substance, il est reproché à A.________, inspectrice à la brigade des stupéfiants, d'avoir, le dimanche 29 janvier 2017 vers 22h30, circulé dans le secteur de U.________ à la hauteur de la route V.________ en direction de W.________, au volant d'un véhicule automobile de service, feux bleus enclenchés mais sans la sirène, en présence de son coéquipier B.________, à la vitesse de 108 km/h alors que la vitesse était limitée à 50 km/h sur ce tronçon, commettant ainsi un dépassement de la vitesse autorisée de 52 km/h après déduction de la marge de sécurité de 6 km/h. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt du 1er juin 2021, en concluant principalement à la réforme de cet arrêt dans le sens de son acquittement. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante conteste principalement sa condamnation pour violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation (art. 90 al. 3 LCR) au motif que les éléments subjectifs de l'infraction ne seraient pas réalisés. 
 
1.1. Aux termes de l'art. 90 al. 3 LCR, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles, est puni d'une peine privative de liberté d'un à quatre ans.  
 
1.1.1. Il découle de l'art. 90 al. 4 LCR que lorsque l'excès de vitesse atteint l'un des seuils fixés - ce qui est le cas lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée d'au moins 50 km/h, là où la limite était fixée à 50 km/h (al. 4 let. b) -, la première condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la violation d'une règle fondamentale de la circulation routière, est toujours remplie. Selon la jurisprudence, l'excès de vitesse qualifié au sens de l'art. 90 al. 4 LCR suffit déjà en principe à réaliser la seconde condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la création d'un danger abstrait qualifié, dès lors que l'atteinte de l'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4 LCR implique généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles, en particulier lorsque la limitation de vitesse dépassée n'avait pas pour objet la sécurité routière, l'excès de vitesse au sens de l'art. 90 al. 4 LCR peut ne pas avoir entraîné un grand risque d'accident susceptible d'entraîner des blessures graves ou la mort. Ainsi, l'art. 90 al. 4 LCR crée une présomption réfragable de la réalisation de la condition objective du danger qualifié au sens de l'art. 90 al. 3 LCR (ATF 143 IV 508 consid. 1.6).  
 
1.1.2. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion d'indiquer que celui qui commettait un excès de vitesse appréhendé par l'art. 90 al. 4 LCR réalisait en principe les conditions subjectives de l'infraction. En effet, du point de vue subjectif, il sied de partir de l'idée qu'en commettant un excès de vitesse d'une importance telle qu'il atteint les seuils fixés de manière schématique à l'art. 90 al. 4 LCR, l'auteur a, d'une part, l'intention de violer les règles fondamentales de la circulation et accepte, d'autre part, de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort (cf. ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1; 139 IV 250 consid. 2.3.1). Cependant, le juge doit conserver une marge de manoeuvre, certes restreinte, afin d'exclure, dans des constellations particulières, la réalisation des conditions subjectives lors d'un dépassement de vitesse particulièrement important au sens de l'art. 90 al. 4 LCR; cette disposition crée ainsi une présomption réfragable de la réalisation de l'élément subjectif de l'infraction réprimée par l'art. 90 al. 3 LCR (ATF 142 IV 137 consid. 11.2). A ce titre, les hypothèses d'une défaillance technique du véhicule (dysfonctionnement des freins ou du régulateur de vitesse), d'une pression extérieure (menaces, prise d'otage) ou de problèmes médicaux soudains (une crise d'épilepsie, par exemple) peuvent entrer en considération (arrêt 6B_1084/2018 du 21 novembre 2018 consid. 2.3.1; cf. aussi les cas de figure envisagés par la doctrine dans l'arrêt publié aux ATF 142 IV 137 consid. 10.1).  
 
1.2. La cour cantonale a estimé, sous l'angle subjectif, que le seul fait d'avoir bénéficié de l'assistance à la conduite de son coéquipier, lequel n'était pas spécialement formé aux courses officielles urgentes, ne suffisait pas à retenir que la recourante avait fait preuve de toutes les précautions nécessaires. En effet, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'assistance d'un coéquipier durant la conduite n'était pas de nature à diminuer sensiblement le risque d'accident ou de perte de maîtrise du véhicule, puisque le passager - à supposer qu'il perçoive un danger qui aurait échappé au conducteur - devait lui signaler celui-ci avant que l'intéressé soit en mesure de réagir utilement (arrêt 6B_1224/2019 du 24 janvier 2020 consid. 2.5). Il en allait de même de l'usage des feux bleus, dont la recourante avait indiqué ignorer s'ils étaient enclenchés ou non.  
 
La cour cantonale a certes retenu qu'au moment de l'accélération qui avait eu lieu sur une courte distance, les conditions météorologiques étaient bonnes, la chaussée sèche et la route rectiligne; ce nonobstant, la recourante ne pouvait que partir du principe que la vitesse adoptée, dans une localité et de pleine nuit, ne lui laisserait pas la possibilité de réagir à temps si un obstacle ou un danger inattendu survenait. Il n'était en effet pas déterminant qu'il lui était possible de s'arrêter sur la distance de visibilité puisque cela ne pouvait écarter ni même minimiser le risque qu'un autre usager de la route peu attentif aux signaux visuels de la recourante s'élance sur la route. A cela s'ajoutait que la visibilité, de nuit et sans éclairage par des réverbères, était réduite. 
 
Au surplus, si la recourante était effectivement rompue aux courses d'urgence pour avoir suivi des cours en la matière et être au bénéfice d'une solide expérience dans son métier, les juges cantonaux ont considéré qu'elle ne pouvait pas se prévaloir d'une circonstance interne ou exceptionnelle particulière permettant d'exclure le caractère intentionnel de l'infraction (cf. consid. 1.1.2 supra). La recourante avait au contraire sciemment augmenté sa vitesse alors qu'elle se trouvait à l'intérieur d'une localité, acceptant ainsi de ne pas pouvoir, en cas d'obstacle ou de présence inopinée d'un autre usager sur la chaussée, réagir à temps afin d'éviter un accident ou de conserver la maîtrise de son véhicule.  
 
1.3. La recourante soutient que la cour cantonale n'aurait pas tenu compte du fait que la course litigieuse était celle d'une policière rompue aux courses d'urgence, roulant dans de bonnes conditions sur une route rectiligne, au volant d'un véhicule aux capacités de freinage remarquables et n'ayant atteint le seuil générateur de présomption que de 2 km/h sur un tronçon extrêmement restreint avec une bonne visibilité, aidée par ailleurs par son collègue passager. Quoi qu'en dise la recourante, la cour cantonale a tenu compte de ces éléments mais en a tiré d'autres conclusions quant à l'élément subjectif de l'infraction, comme on l'a vu (cf. consid. 1.2 supra).  
 
Pour sa part, la recourante ne fait que livrer sa propre appréciation de la situation, sans expliquer en quoi ces éléments de fait auraient été appréciés de manière insoutenable par la cour cantonale. Ses explications selon lesquelles, compte tenu de sa formation en courses d'urgence et a fortiori au volant d'un véhicule doté d'une capacité de freinage remarquable, elle aurait d'autant moins accepté le risque de créer un danger grave sur la route car elle savait qu'elle avait la possibilité de réagir à temps si un obstacle ou un danger inattendu survenait, ne constituent pas des circonstances exceptionnelles permettant d'exclure le caractère intentionnel de l'infraction. En effet, en augmentant sciemment sa vitesse de circulation à 102 km/h (marge de sécurité déduite) alors qu'elle se trouvait à l'intérieur d'une localité, la recourante ne pouvait pas croire que ces atouts étaient de nature à écarter le risque d'accident grave. 
 
Quant au fait que la cour cantonale aurait inexactement omis de constater que la route était éclairée par des réverbères, il n'est pas déterminant. En effet, si la présence de réverbères augmentait certes la visibilité qu'avait la recourante de la route, elle n'était pas de nature à écarter le risque d'accident grave. 
Enfin, le fait que l'accélération n'a eu lieu que sur une courte distance ainsi que le fait que le dépassement de la vitesse autorisée a excédé de 2 km/h seulement la limite fixée à l'art. 90 al. 4 LCR ne relèvent pas de l'aspect subjectif mais touchent aux faits justificatifs. Or le danger créé par la recourante était d'autant moins justifiable qu'il pouvait au mieux - s'agissant de la courte distance concernée par la limitation de vitesse à 50 km/h sur laquelle les risques de croiser un autre usager ou un piéton étaient accrus - lui faire gagner quelques instants pour se rendre sur les lieux où un suspect avait été repéré (cf. arrêt 6B_1224/2019 du 24 janvier 2020 consid. 3.3). 
 
Au vu de ce qui précède, la recourante échoue à démontrer que la cour cantonale ait violé le droit fédéral en admettant la réalisation de la condition subjective de l'infraction prévue par l'art. 90 al. 3 et 4 LCR
 
2.  
 
2.1. Dans un second grief, la recourante se plaint d'une violation de l'art. 436 CPP et de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) sous l'angle du défaut de motivation. Elle fait grief à la cour cantonale d'avoir réduit le décompte de frais de son conseil, lors de la fixation de l'indemnité prévue par l'art. 436 al. 2 CPP, en ramenant les correspondances échangées avec son conseil de 10h30 à 3h mais sans indiquer quelles correspondances étaient exagérées, ni pour quels motifs. En outre, elle reproche aux premiers juges d'avoir arrêté à 11h35 le temps admissible facturé sans qu'elle comprenne la baisse de 14h10 (soit 21h40 facturées, déduction faite de 7h30 de communications) à 11h35, soit une différence supplémentaire de 155 minutes retranchées sans aucune explication.  
 
2.2. Selon la jurisprudence rendue en matière de dépens, la garantie du droit d'être entendu implique que lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais, il doit, s'il entend s'en écarter, au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (cf. ATF 143 IV 453 consid. 2.5; arrêt 6B_796/2016 du 15 mai 2017 consid. 1).  
 
2.3. En l'espèce, la cour cantonale a indiqué que sur un total de 21 heures et 40 minutes facturées par l'avocat, la moitié du temps, soit 10 heures et 50 minutes, correspondait à des communications entre la recourante et son avocat, ce qui paraissait exagéré; elle a donc réduit ce temps à une durée de 3 heures, jugée raisonnable pour une procédure en matière de violation des règles de la circulation routière. Les juges cantonaux ont encore ajusté la durée de l'audience d'appel à 1 heure et 45 minutes (correspondant au temps réel) alors que l'avocat de la recourante l'avait arrêtée à 4 heures (en sus du temps de préparation de 3 heures, admis par les premiers juges) sur la base d'une simple estimation. En retranchant 7 heures et 50 minutes de correspondances et 2 heures et 15 minutes de temps d'audience des 21 heures et 40 minutes facturées par l'avocat, on arrive à une durée d'activité totale de l'avocat de 11 heures et 35 minutes, comme retenue par la cour cantonale.  
 
Compte tenu de ce qui précède, le raisonnement de la cour cantonale peut être aisément suivi. Du reste, la recourante l'a parfaitement compris dans la mesure où elle en conteste les termes. Le grief tiré du défaut de motivation doit donc être écarté. 
 
3.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
 
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 16 août 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Fretz Perrin