4D_54/2022 27.10.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4D_54/2022  
 
 
Arrêt du 27 octobre 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Hohl, présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Charles Poupon, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Commune B.________, 
représentée par Me Clémence Girard-Beuchat, avocate, 
intimée. 
 
Objet 
bail à ferme, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 28 avril 2022 par la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura (ADM 177 / 2021, AJ 178 / 2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 31 juillet 1998, la Commune B.________ a conclu un contrat de bail à ferme avec A.________ (ci-après: le fermier) portant sur l'exploitation de la parcelle n. xxx "... " d'une surface de 700 ares en nature de pâturage. Le fermage annuel convenu était de 918 fr. 75.  
 
A.b. Le 28 octobre 2015, le fermier a fait savoir à la commune précitée que, selon les calculs opérés par la Fondation rurale interjurassienne (FRI) dans le cadre de la révision de la réglementation portant sur la jouissance des pâturages en propriété de la commune, la surface qu'il exploitait sur la parcelle n. xxx était inférieure à celle qui avait été fixée contractuellement, raison pour laquelle il demandait à pouvoir bénéficier de la surface de 7 hectares convenue par les parties.  
Par lettre du 17 juillet 2020, la FRI a indiqué au fermier que les surfaces de pâturage qui lui avaient été attribuées sur le territoire communal étaient de 801,93 ares dont 632,02 ares sur la parcelle n. xxx. 
 
B.  
 
B.a. Statuant par décision du 25 août 2020, la Commune B.________ n'est pas entrée en matière sur la demande présentée par le fermier tendant à l'adaptation de la surface des pâturages communaux qui lui avait été attribuée. Elle a confirmé sa décision le 23 février 2021 nonobstant l'opposition formée par l'intéressé.  
 
B.b. Saisie d'un recours interjeté par le fermier, la Juge administrative du Tribunal de première instance jurassien, statuant le 19 novembre 2021, l'a rejeté et a confirmé la décision attaquée du 23 février 2021.  
 
B.c. Le 23 décembre 2021, le fermier a recouru contre cette décision auprès de la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura. Il a notamment conclu à ce que sa demande tendant à l'adaptation de la surface des pâturages communaux soit examinée et à l'octroi d'une surface complémentaire de 0,7 hectare.  
Par arrêt du 28 avril 2022, la cour cantonale a rejeté le recours. En bref, elle a relevé que le règlement d'organisation et de jouissance de la 1ère section de Commune B.________ du 6 avril 1951 (ci-après: le règlement communal de 1951), lequel prévoyait une exploitation en commun des pâturages par l'ensemble des agriculteurs, était en l'occurrence inapplicable, puisque la manière d'exploiter les pâturages avait déjà évolué en 1998, l'objectif étant de permettre à chaque agriculteur d'exploiter seul un secteur déterminé. En l'occurrence, la juridiction cantonale a considéré que le contrat du 31 juillet 1998 avait été conclu afin de formaliser une situation déjà existante et de consigner par écrit les droits acquis du fermier. Dans ces circonstances, elle a estimé que la réelle et commune intention des parties était de permettre au fermier d'exploiter la parcelle n. xxx comme auparavant. En d'autres termes, elle a retenu que les parties auraient conclu le contrat aux mêmes conditions même si elles avaient su à l'époque que la surface affermée n'était que de 6,32 hectares, l'indication de la surface n'étant ainsi pas un élément déterminant. 
 
C.  
Le 3 juin 2022, le fermier (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière de droit public à l'encontre de cet arrêt et a pris des conclusions similaires à celles présentées devant la cour cantonale. Il a également sollicité sa mise au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
La Commune B.________ (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
L'autorité précédente a proposé le rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 138 III 46 consid. 1). 
 
1.1. En l'espèce, le différend divisant les parties porte sur l'étendue de la surface agricole affermée par contrat de bail à ferme conclu le 31 juillet 1998. Il s'agit dès lors d'un litige de nature civile. La voie de droit qui entre en considération en l'occurrence n'est ainsi pas le recours en matière de droit public, option choisie par le recourant, mais le recours en matière civile (art. 72 LTF) ou, à défaut, le recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF). La désignation erronée de la voie de droit ne nuit toutefois pas au recourant si son mémoire remplit les exigences légales du recours qui lui est ouvert (ATF 138 I 367 consid. 1.1; 134 III 379 consid. 1.2).  
 
1.2. Contrairement à ce qu'affirme le recourant, la présente contestation est bel et bien de nature pécuniaire. En l'occurrence, la valeur litigieuse de cette affaire civile pécuniaire n'atteint pas le seuil exigé par l'art. 74 al. 1 LTF. Par ailleurs, le recourant ne soutient pas ni ne démontre que la contestation soulèverait une question juridique de principe au sens de l'art. 74 al. 2 let. a LTF. Partant, seul le recours constitutionnel subsidiaire entre en considération (art. 113 LTF).  
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 116 LTF (art. 118 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3).  
 
2.2. Comme son nom l'indique, le recours constitutionnel subsidiaire peut être formé uniquement pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). Pour ce type de griefs prévaut une exigence de motivation accrue. Selon le principe d'allégation, la partie recourante doit indiquer quel droit ou principe constitutionnel a été violé, en expliquant de façon circonstanciée en quoi réside la violation (art. 106 al. 2 LTF, applicable par analogie en vertu de l'art. 117 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.2; 133 II 396 consid. 3.2).  
Lorsqu'elle soulève le grief d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'application du droit, la partie recourante ne peut se contenter de plaider que la décision attaquée serait arbitraire. Elle doit expliquer, sur la base de la subsomption opérée dans le cas concret, en quoi la décision attaquée méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si la décision entreprise apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 III 145 consid. 2). 
 
3.  
 
3.1. Dans son mémoire de recours, l'intéressé reproche à la cour cantonale d'avoir considéré arbitrairement le règlement communal de 1951 comme obsolète et de ne pas l'avoir appliqué à la présente espèce. A l'en croire, le contrat de bail à ferme aurait été conclu par les parties sur la base dudit règlement. Le recourant fait valoir que la réglementation en question fixe la surface de pâturage à laquelle il peut prétendre. En refusant d'appliquer le règlement communal de 1951, la cour cantonale aurait ainsi versé dans l'arbitraire. L'intéressé se plaint également d'une inégalité de traitement, au motif que certains agriculteurs bénéficieraient de surfaces de pâturage supérieures à celles auxquelles ils pourraient normalement prétendre.  
 
3.2. Eu égard notamment à son caractère appellatoire marqué, il est douteux que l'acte de recours satisfasse à l'exigence de motivation accrue prévalant pour la violation des droits constitutionnels.  
En tout état de cause, la démonstration effectuée par l'intéressé ne permet nullement de démontrer que l'arrêt attaqué serait arbitraire dans son résultat ou qu'il consacrerait une atteinte au principe d'égalité de traitement. Dans la décision querellée, la cour cantonale a constaté que l'exploitation des pâturages sur le territoire communal de l'intimée prévue par le règlement communal de 1951, sous une forme communautaire et sans attribution de portions déterminées de terrains, ne correspondait plus à la pratique ayant cours en 1998, puisque les agriculteurs s'étaient vu attribuer chacun un secteur individuel et délimité à exploiter. La Cour de céans ne discerne dès lors nul trace d'arbitraire dans la solution retenue par l'autorité précédente selon laquelle le règlement précité ne fixait pas la surface à attribuer à chacun des agriculteurs concernés, seuls les droits acquis par ceux-ci en 1998 étant décisifs pour opérer la répartition des surfaces de pâturage entre eux. Le fait que le respect des droits acquis d'autres agriculteurs n'ait pas été concrétisé par la conclusion de contrats de bail à ferme écrits est sans incidence. En l'occurrence, la cour cantonale est parvenue à déterminer la volonté réelle et concordante des parties, puisqu'elle a observé que celles-ci souhaitaient, lors de la conclusion de leur contrat, formaliser la situation existante s'agissant de la parcelle n. xxx et consigner par écrit les droits acquis du recourant. Elle a constaté que l'aspect déterminant pour ce dernier était de pouvoir exploiter sa parcelle comme il l'avait fait auparavant, raison pour laquelle l'indication de la surface dans le contrat n'était pas décisive. Or, élucider ce que les parties voulaient au moment de conclure relève de la constatation des faits (ATF 140 III 86 consid. 4.1). Qui plus est, lorsque le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises, il s'agit là aussi d'une constatation de fait qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elle ne soit manifestement inexacte (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les références citées). En l'occurrence, force est de constater que le recourant ne dénonce pas un établissement arbitraire des faits ni n'en fait la démonstration. L'intéressé se contente d'affirmer, en pure perte et de manière appellatoire, que la surface affermée était décisive pour lui et qu'il n'aurait jamais conclu le contrat s'il avait su que celle-ci n'était en réalité que de 6,32 hectares. C'est également en vain que le recourant dénonce une violation du principe d'égalité de traitement puisque, selon les constatations de la cour cantonale, les parties, en concluant leur contrat de bail à ferme, n'ont fait que consigner par écrit le droit acquis du recourant d'exploiter la parcelle n. xxx comme il l'avait toujours fait jusqu'alors. Au demeurant, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que certains agriculteurs bénéficieraient effectivement de surfaces de pâturage plus étendues que celles auxquelles ils pourraient prétendre. 
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Comme le recours était voué à l'échec, l'une des deux conditions cumulatives à la réalisation desquelles l'art. 64 al. 1 LTF subordonne l'octroi de l'assistance judiciaire n'est pas remplie en l'espèce. La demande d'assistance judiciaire présentée par l'intéressé doit, dès lors, être rejetée. Le Tribunal fédéral renoncera toutefois à titre exceptionnel à la perception des frais judiciaires (art. 66 al. 1 in fine LTF). Le recourant devra en revanche verser des dépens à l'intimée, puisque celle-ci n'agit pas dans l'exercice de ses attributions officielles (art. 66 al. 1 et 68 al. 3 a contrario LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais. 
 
4.  
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura. 
 
 
Lausanne, le 27 octobre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : O. Carruzzo