1C_418/2023 18.01.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_418/2023  
 
 
Arrêt du 18 janvier 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Merz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Philippe Eigenheer, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
police des constructions; interdiction d'habiter, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 20 juin 2023 (A/1889/2022-LCI - ATA/666/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La société A.________ SA est propriétaire des parcelles 
n os 14'122, 14'123, 14'124, 14'125, 14'126, 14'127 et 14'128 sises dans la Commune de Meyrin, à l'adresse avenue François-Besson 2 à 12; elles supportent des immeubles d'habitation.  
 
B.  
Le 13 décembre 2016, le Département cantonal du territoire (ci-après: DT ou encore le département) a délivré à A.________ SA l'autorisation de construire DD_1 portant notamment sur la surélévation des immeubles sis 2 à 12 avenue François-Besson et la rénovation de l'enveloppe des bâtiments. Cette autorisation mentionne, à son point 7, que "les constructions et/ou installations [...] autorisées ne pourront être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant le dépôt au département d'un dossier de plans conformes à l'exécution et de l'attestation officielle globale de conformité, jointe en annexe, établie par le mandataire professionnellement qualifié [ci-après: MPQ],...". 
Le 15 octobre 2021, apprenant que les travaux étaient terminés, le département a invité A.________ SA à se déterminer, notamment, sur le non-respect de la condition n o 7 de l'autorisation de construire. Le 15 novembre 2021, la constructrice a reconnu n'avoir pas encore produit l'attestation globale de conformité (ci-après: AGC) requise. Par décision du 10 décembre 2021, le DT a ordonné à A.________ SA de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de 30 jours en déposant l'AGC signée par un MPQ et accompagnée des plans conformes à l'exécution. Cette décision n'a pas été contestée et est entrée en force.  
Par décision du 6 mai 2022, le DT a constaté que sa décision du 10 décembre 2021 n'avait pas été respectée et a prononcé l'interdiction immédiate d'habiter les logements de la surélévation autorisée (DD_1), a infligé à A.________ SA une amende administrative de 500 fr. et lui a ordonné de produire l'AGC accompagnée des plans conformes à l'exécution dans un délai de 30 jours. 
Le 7 juin 2022, A.________ SA a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: TAPI), qui a rejeté le recours par jugement du 22 décembre 2022. La Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève a, par arrêt du 20 juin 2023, rejeté le recours formé contre ce jugement. La Cour de justice a en substance considéré que l'interdiction d'habiter, dans l'attente de la production de l'AGC, était une mesure proportionnée, apte à assurer la sécurité des locataires de l'immeuble, notamment contre le risque d'incendie. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt cantonal et, ceci fait, d'annuler la décision d'interdiction d'habiter les logements de la surélévation de la DD_1 du 6 mai 2022. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. A.________ SA requiert encore l'octroi de l'effet suspensif, accordé par ordonnance du 13 septembre 2023. 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le DT conclut au rejet du recours. La recourante réplique et confirme ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) en matière de police des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure de recours devant l'instance précédente. Elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui confirme l'interdiction d'habiter une construction dont elle est propriétaire et ordonne la production d'une attestation de conformité des travaux réalisés. Elle peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de cet arrêt et bénéficie de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 LTF. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
La recourante reproche à la Cour de justice d'avoir, dans son arrêt, fait mention de faits nouveaux en lien avec d'autres décisions la concernant. Elle soutient que l'instance précédente aurait mentionné ces procédures (interdiction d'habiter des locaux semi-enterrés régularisés par la DD_1; amendes administratives infligées respectivement pour absence d'AGC relative à ces travaux et pour non-respect d'un ordre relatif à l'accès des véhicules d'intervention), dans le seul but de "créer une impression de désinvolture de [sa] part". Elle se plaint de n'avoir pas été invitée à se déterminer à ce propos, ce qui lui aurait permis de faire constater les différents travaux de régularisation réalisés et établir sa diligence. Elle invoque à cet égard l'art. 99 al. 1 LTF ainsi qu'une violation de son droit d'être entendue. 
 
2.1. Figurant au chapitre 4 de la LTF, consacré à la procédure de recours devant le Tribunal fédéral, l'art. 99 al. 1 LTF prévoit qu'aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Quant au droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., il comprend notamment le droit pour la personne intéressée de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 143 V 71 consid. 4.1).  
 
2.2. A l'examen du recours, on ne perçoit pas en quoi l'instance précédente aurait violé l'art. 99 al. 1 LTF, règle de procédure qui ne lui est pas applicable, ou encore que l'exception prévue par cette disposition serait réalisée dans la présente procédure. Quoi qu'il en soit, tel qu'il est formulé, le grief se confond avec celui de violation du droit d'être entendu. Or la Cour de justice n'a tiré aucune conséquence juridique de ces autres procédures mentionnées dans son état de fait; aussi n'influent-elles pas sur le sort de la cause. D'ailleurs, prétendre qu'elles auraient été citées dans le seul but de discréditer la recourante relève de la conjecture. Enfin, il n'est pas déterminant d'établir que la recourante aurait respecté avec diligence les ordres donnés dans ces autres procédures; celle-là admet d'ailleurs expressément que ces dernières n'ont pas de liens directs avec la présente cause.  
Le grief est rejeté. 
 
3.  
Se prévalant de l'art. 5 Cst., la recourante soutient que l'interdiction d'habiter prononcée à son encontre serait disproportionnée. 
 
3.1. Le principe de la proportionnalité commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1; 140 II 194 consid. 5.8.2; cf. également ATF 147 I 450 consid. 3.2.3). Lorsqu'une violation de ce principe est, comme en l'espèce, invoquée indépendamment de toute atteinte à un droit fondamental, le Tribunal fédéral n'intervient que si la mesure de droit cantonal est manifestement disproportionnée et qu'elle viole simultanément l'interdiction de l'arbitraire; autrement dit le grief se confond avec celui de l'arbitraire (ATF 135 III 578 consid. 6.1; arrêt 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.3.2; voir également ATF 141 I 1 consid. 5.3.2). Dans un tel cas de figure, il appartient à la partie recourante de démontrer en quoi l'application du droit cantonal serait arbitraire (cf. ATF 141 I 1 consid. 5.3.2; arrêt 1C_145/2021 du 12 août 2021 consid. 3; au sujet de la notion d'arbitraire, cf. ATF 148 I 145 consid. 6.1).  
 
3.2. En l'occurrence, l'interdiction d'habiter a été prononcée en application des art. 7 et 129 de la loi cantonale sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RS/GE L 5 05). Selon l'art. 7 al. 1 let. a LCI, les constructions ou installations neuves ou modifiées destinées à l'habitation ne peuvent être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant le dépôt au département d'un dossier de plans conformes à l'exécution et d'une attestation de conformité établie par un mandataire professionnellement qualifié. L'attestation certifie que les constructions ou installations sont conformes à l'autorisation de construire, aux conditions de celle-ci, ainsi qu'aux lois et règlements applicables au moment d'entrée en force de l'autorisation de construire (art. 7 al. 2 LCI). Aux termes de l'art. 129 let. c LCI, le département peut ordonner, à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses le retrait du permis d'habiter. Ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).  
 
3.3. La cour cantonale a constaté que l'AGC relative aux immeubles de la recourante n'avait pas été déposée à la date de la décision d'interdiction d'habiter ni le jour où l'arrêt attaqué a été rendu. On ne pouvait dès lors la suivre lorsqu'elle affirmait que la construction était conforme aux normes, en particulier de protection contre les incendies. L'interdiction d'habiter apparaissait ainsi propre à assurer la sécurité des locataires contre ce type de risque, dans l'attente de la production de l'AGC.  
 
3.4. Selon la recourante, la Cour de justice aurait violé le principe de la proportionnalité en se fondant exclusivement sur l'absence d'un document administratif pour confirmer l'interdiction d'habiter et non sur l'existence d'un risque réel. La Cour de justice a cependant aussi examiné les documents produits à ce propos par la recourante, en particulier les offres et correspondances de l'entreprise B.________ des 21 novembre 2021, 20 décembre 2022 et 31 janvier 2023 et le courrier de l'entreprise C.________ du 11 novembre 2021. Avec l'instance précédente, force est de constater que ces documents ne permettent pas de conclure que les travaux nécessaires auraient été achevés ni d'attester leur conformité, spécialement en matière de protection contre les incendies; ils ne sauraient ainsi remplacer une AGC. La recourante ne le discute d'ailleurs pas réellement. Elle prétend en revanche que l'instance précédente aurait pu constater l'inexistence d'un danger réel si elle avait auditionné les "témoins proposés". La recourante ne prend toutefois pas la peine d'identifier ces témoins, pas plus qu'elle n'expose en quoi leur audition aurait été pertinente; au stade du recours, elle ne se prévaut au surplus ni d'une constatation inexacte des faits ni d'une violation de son droit d'être entendue. Il n'y a dès lors pas lieu de s'y attarder (cf. art. 106 al. 2 LTF), les considérations émises à ce propos en réplique étant d'ailleurs tardives (cf. ATF 143 II 283 consid. 1.2.3; arrêt 1C_237/2021 du 4 janvier 2023 consid. 1.3).  
Enfin, la recourante ne discute pas non plus les dispositions de droit cantonal ni ne démontre qu'elles auraient été appliquées arbitrairement. Elle ne conteste en particulier pas que les exigences formelles posées par la loi cantonale poursuivent un intérêt public à la protection des occupants, notamment contre le risque lié aux incendies. Or, il n'apparaît pas arbitraire, respectivement pas manifestement disproportionné, de faire prévaloir la sécurité des personnes sur les inconvénients liés à un déplacement provisoire des locataires, dans l'attente de l'AGC; la Cour de justice a d'ailleurs indiqué, sans être contredite, que la mesure litigieuse n'obligeait pas la recourante à résilier les baux, mais à vider momentanément - dans l'attente de l'AGC - les surélévations de ses occupants, des solutions de relogement temporaire pouvant être proposées aux locataires. On ne décèle du reste pas qu'une autre solution s'offrirait aux autorités pour préserver cet intérêt public important et le recours reste muet à ce propos. 
Il s'ensuit que le grief doit être écarté. 
 
4.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 18 janvier 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez