4A_558/2023 14.05.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_558/2023  
 
 
Arrêt du 14 mai 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, juge présidant, Hohl et Rüedi. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Mes Aylin Güney King, Fabrice Robert-Tissot et Sumin Jo, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ 
représentée par Me Xavier Favre-Bulle, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
arbitrage international, 
 
recours en matière civile contre la sentence rendue le 12 octobre 2023 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève (Swiss Arbitration Centre n. 300585-2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par contrat du 21 décembre 2020 (ci-après: le contrat de vente), la société de droit turc A.________ s'est engagée à livrer une quantité déterminée de minerai de fer, provenant du Pérou, à la société B.________, laquelle a son siège à Hong Kong. Le contrat de vente contenait une clause d'arbitrage et prévoyait l'application du droit anglais. Le 21 avril 2021, les parties ont également conclu un addendum au contrat de vente (ci-après: l'addendum) en vue de modifier certains aspects de leurs rapports contractuels.  
Selon l'art. 4 du contrat de vente, B.________ avait le droit de refuser la marchandise livrée par cargo si la teneur en fer du minerai était inférieure à 64 %. 
En vertu de l'art. 10 du contrat de vente, la teneur en fer du minerai devait être mesurée au moment du chargement de la marchandise sur le navire par un surveillant indépendant désigné par les parties. Celles-ci ont confié cette tâche à la société C.________ lors de la signature de l'addendum. L'art. 10 du contrat de vente prévoyait en outre que l'autorité compétente ("Entry-Exit Inspection and Quarantine of China" [ci-après: le CIQ]) devait, lors du déchargement de la cargaison dans le port de destination, prélever, aux frais de l'acheteuse, des échantillons de minerai, les analyser et délivrer un certificat (ci-après: le certificat du CIQ) dans les soixante jours précisant la teneur en fer desdits prélèvements. L'un desdits échantillons devait être conservé et placé sous scellé par le CIQ en vue d'une éventuelle analyse de référence ("umpire sample"). Un représentant, choisi par la venderesse et accepté par l'acheteuse, pouvait assister au prélèvement et à l'analyse desdits échantillons. Si la différence au niveau de la teneur en fer déterminée lors du chargement de la marchandise sur le cargo et celle mesurée lors du déchargement de celui-ci était supérieure à 0,50 %, les parties devaient chercher à réconcilier cette différence. Si celles-ci n'y parvenaient pas, chacune d'entre elles pouvait demander à ce que l'échantillon prélevé en vue de l'analyse de référence soit soumis à un arbitre choisi d'un commun accord par les parties. 
Les conditions de paiement étaient régies par l'art. 7 du contrat de vente. Celui-ci stipulait que l'acheteuse devait payer 98 % du prix de vente au moment du chargement de la marchandise, par une lettre de crédit irrévocable ouverte en faveur de A.________, le solde devant être réglé une fois le certificat du CIQ établi. Le contrat de vente prévoyait en outre une adaptation du prix de vente suivant la teneur en fer du minerai. Si celle-ci était supérieure à 65 %, le prix serait majoré tandis qu'il serait réduit si la teneur en fer oscillait entre 64 et 65 %. 
 
A.b. En mai 2021, A.________ a chargé la cargaison sur un navire dans un port péruvien. Selon les analyses effectuées par C.________ lors du chargement, la teneur en fer du minerai était de 64 %. Le certificat établi par cette dernière a été remis à B.________ le 9 juin 2021, laquelle a versé 98 % du prix de vente convenu à A.________.  
Le cargo est arrivé à son port de destination, situé en Chine, à la fin juin 2021. La marchandise n'a été déchargée que les 17 et 18 juillet 2021, en raison d'une surcharge de trafic dans le port en question. Selon le certificat du CIQ établi le 3 août 2021, les prélèvements de minerai effectués lors du déchargement laissaient apparaître une teneur en fer de 60,88 %. 
Le 4 août 2021, B.________ a fait savoir à A.________ qu'elle refusait la marchandise livrée, étant donné que sa teneur en fer était inférieure à 64 %. 
 
B.  
Le 28 février 2022, B.________, se fondant sur la clause arbitrale insérée dans le contrat de vente, a initié une procédure d'arbitrage à l'encontre de A.________ en vue d'obtenir le versement de divers montants. 
La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Elle a formé une demande reconventionnelle afin de réclamer le paiement du solde du prix de vente et des surestaries. 
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué, conformément au Règlement suisse d'arbitrage international, sous l'égide du Swiss Arbitration Centre, et son siège fixé à Genève. L'anglais a été désigné comme langue de la procédure.  
Le Tribunal arbitral a tenu une audience à Zurich en date des 24 et 25 avril 2023. 
Le Tribunal arbitral a rendu sa sentence finale le 12 octobre 2023. Admettant partiellement la demande principale, il a notamment condamné A.________ à payer à B.________ un montant de 12'302'981.21 USD, intérêts en sus. A cet égard, il a estimé que B.________ avait rejeté la marchandise livrée en respectant les termes du contrat de vente dès lors qu'il était établi que la teneur en fer de la cargaison était inférieure à 64 % selon le certificat du CIQ, raison pour laquelle l'intéressée pouvait prétendre au paiement du montant, correspondant à 98 % du prix de vente, qu'elle avait versé à son adversaire ainsi qu'au remboursement de divers frais. S'agissant des prétentions élevées à titre reconventionnel, les arbitres ont considéré que A.________ avait droit à un montant de 350'569.44 USD, avec intérêts, à titre de surestaries. Les motifs qui étayent cette décision seront examinés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des griefs dont celle-ci est la cible. 
L'arbitre désigné par la défenderesse a émis une opinion dissidente en date du 12 octobre 2023. 
 
C.  
Le 17 novembre 2023, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile aux fins d'obtenir l'annulation de plusieurs chiffres du dispositif de ladite sentence. 
B.________ (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours. 
Le président du Tribunal arbitral a déposé des observations visant à démontrer le caractère infondé du recours. 
La recourante a répliqué de manière spontanée, suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimée. 
La demande d'effet suspensif présentée par la recourante a été rejetée par ordonnance du 21 mars 2024. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, les parties ont employé le français respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.; RS 101; ATF 142 III 521 consid. 1). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français. 
 
2.  
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 LTF
En l'espèce, le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. Aucune des parties n'avait son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP). 
 
3.  
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou des conclusions prises par la recourante, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose, dès lors, à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des moyens invoqués par l'intéressée. 
 
4.  
 
4.1. Le recours en matière d'arbitrage international ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs qui ont été invoqués et motivés conformément à l'art. 77 al. 3 LTF. Cette disposition institue le principe d'allégation ( Rügeprinzip) et consacre une obligation analogue à celle que prévoit l'art. 106 al. 2 LTF pour le grief tiré de la violation de droits fondamentaux ou de dispositions de droit cantonal et intercantonal (ATF 134 III 186 consid. 5). Les exigences de motivation du recours en matière d'arbitrage sont accrues. La partie recourante doit donc invoquer l'un des motifs de recours énoncés limitativement et montrer par une argumentation précise, en partant de la sentence attaquée, en quoi le motif invoqué justifie l'admission du recours (arrêts 4A_7/2019 du 21 mars 2019 consid. 2; 4A_378/2015 du 22 septembre 2015 consid. 3.1). Les critiques appellatoires sont irrecevables (arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.2). Comme la motivation doit être contenue dans l'acte de recours, la partie recourante ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage. De même, la partie recourante ne peut pas se servir de la réplique pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'elle n'a pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF) ou pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2 et les références citées).  
 
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).  
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_140/2022 du 22 août 2022 consid. 4.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées). 
 
5.  
Dans un premier moyen, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, reproche au Tribunal arbitral d'avoir violé son droit d'être entendue. Elle lui fait grief d'avoir passé sous silence plusieurs arguments décisifs pour l'issue du litige. 
 
5.1. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre. Il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer, dans son recours dirigé contre la sentence, en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important. C'est à elle d'établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et 4.1.3; arrêt 4A_478/2017, précité, consid. 3.2.1). Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartiendra de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours (ATF 133 III 235 consid. 5.2; arrêts 4A_618/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.2; 4A_478/2017, précité, consid. 3.2.1). Cependant, les arbitres n'ont pas l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par les parties, de sorte qu'il ne peut leur être reproché, au titre de la violation du droit d'être entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas réfuté, même implicitement, un moyen objectivement dénué de toute pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2; arrêt 4A_692/2016 du 20 avril 2017 consid. 5.2).  
C'est le lieu de rappeler que le grief tiré de la violation du droit d'être entendu ne doit pas servir, pour la partie qui se plaint de vices affectant la motivation de la sentence, à provoquer par ce biais un examen de l'application du droit de fond (ATF 142 III 360 consid. 4.1.2). 
 
5.2. La recourante reproche en premier lieu aux arbitres d'avoir omis d'examiner divers éléments qu'elle avait avancés aux fins de démontrer que l'intimée n'avait pas le droit de refuser la cargaison. A cet égard, elle indique notamment que son adversaire avait revendu, en juin 2021, la marchandise en question à la société de droit chinois D.________, de sorte que l'intimée ne pouvait plus refuser la cargaison le 4 août 2021 et exiger le remboursement du montant versé pour l'achat du minerai de fer. La recourante expose aussi que l'intimée avait admis elle-même, dans le cadre de la réplique soumise au Tribunal arbitral, que l'échantillon prélevé par le CIQ en vue d'une éventuelle analyse de référence l'avait été le 28 juillet 2021, soit 10 jours après le déchargement du navire. Selon la recourante, le certificat du CIQ est dès lors invalide, dans la mesure où celui-ci a été établi sur la base d'échantillons de minerai qui n'avaient pas été prélevés lors du déchargement du cargo mais ultérieurement, alors qu'une telle exigence était pourtant prévue à l'art. 10 du contrat de vente. L'intimée ne pouvait par conséquent pas refuser la cargaison car aucune analyse valable des échantillons de minerai prélevés n'avait pu être effectuée dans le respect des termes contractuels.  
En deuxième lieu, l'intéressée prétend que le Tribunal arbitral aurait omis de se prononcer sur les arguments qu'elle avait fait valoir aux fins de s'opposer au remboursement des frais de port et d'entreposage exigé par l'intimée. Sur ce point, elle soutient que son adversaire a admis que D.________ était devenue propriétaire de la cargaison à compter du 14 juin 2021, raison pour laquelle cette dernière devait supporter les frais en question. Selon la recourante, les notes de débit créées ex post facto ne sont pas suffisantes pour établir que D.________ a demandé à l'intimée de régler lesdits montants.  
En troisième lieu, la recourante fait grief au Tribunal arbitral d'avoir retenu que la teneur en fer de la cargaison était inférieure à 64 %, en se fondant uniquement sur une traduction, produite lors de l'audience arbitrale, de la version en mandarin du certificat du CIQ. A cet égard, elle rappelle que ledit certificat était rédigé en mandarin et en anglais. Or, la version anglaise dudit document n'indiquait pas que les échantillons avaient été prélevés lors du déchargement du navire. Elle insiste aussi sur le fait que le CIQ avait reconnu que l'échantillon prélevé en vue d'une éventuelle analyse de référence n'avait été scellé que le 28 juillet 2021. Selon la recourante, il n'existe ainsi aucune preuve établissant que le prélèvement des échantillons de minerai aurait bel et bien eu lieu au moment du déchargement. 
En quatrième et dernier lieu, l'intéressée reproche au Tribunal arbitral d'avoir ignoré les vingt-huit décisions qu'elle avait produites en vue de démontrer que l'intimée était déchue du droit de refuser la marchandise livrée. 
 
5.3. L'argumentation développée par la recourante n'emporte pas la conviction de la Cour de céans. A la lecture des critiques formulées par l'intéressée, il appert que celle-ci tente, sous le couvert d'une prétendue atteinte à son droit d'être entendue, de remettre en cause la manière dont le Tribunal arbitral a apprécié les preuves disponibles et de s'en prendre à la motivation juridique de celui-ci en essayant d'obtenir un examen matériel de la sentence par l'autorité de recours, ce qui n'est pas admissible.  
Cette remarque d'ordre général mise à part, les griefs articulés dans le cadre du moyen examiné se révèlent infondés, dans la mesure de leur recevabilité, pour les motifs indiqués ci-après. 
N'en déplaise à la recourante, la lecture de la sentence entreprise permet de constater que le Tribunal arbitral a examiné, par le menu, la validité du certificat du CIQ ainsi que la question de savoir si l'intimée était en droit de refuser la cargaison. Après avoir correctement exposé, sur plus de dix pages, la position défendue par la recourante lors de la procédure arbitrale et résumé les principaux arguments avancés par elle (sentence, n. 100-141), le Tribunal arbitral a en effet analysé, attentivement, la validité du certificat du CIQ et son contenu. Il a conclu que la traduction anglaise de la version rédigée en mandarin dudit certificat, produite lors de l'audience arbitrale, établissait que les échantillons de minerai avaient bel et bien été prélevés lors du déchargement du cargo (sentence, n. 165). Il a certes constaté que l'échantillon prélevé en vue d'une éventuelle analyse de référence n'avait été scellé que le 28 juillet 2021 soit dix jours après le déchargement de la cargaison, mais, sur la base des déclarations faites par un témoin, il a jugé qu'un décalage entre le moment du prélèvement et la date à laquelle celui-ci avait été scellé n'avait rien d'anormal compte tenu du trafic très important dans le port concerné (sentence, n. 168-169). Il appert ainsi que le Tribunal arbitral a rejeté, ne serait-ce que de manière implicite, la thèse - et les arguments avancés au soutien de celle-ci - selon laquelle les échantillons de minerai n'auraient en réalité été prélevés que le 28 juillet 2021. Pour le reste, lorsqu'elle reproche au Tribunal arbitral de s'être fondé exclusivement sur le texte rédigé en mandarin du certificat du CIQ pour aboutir à la conclusion que les échantillons avaient été prélevés lors du déchargement du cargo et d'avoir ainsi fait abstraction d'autres éléments, la recourante critique de manière inadmissible la constatation de fait précitée tirée de l'appréciation des preuves disponibles. 
Force est aussi d'admettre que le Tribunal arbitral a écarté, à tout le moins implicitement, la thèse prônée par la recourante selon laquelle l'intimée ne pouvait plus refuser la marchandise livrée car elle l'avait revendue à D.________. Après avoir détaillé le mécanisme contractuel adopté par les parties, le Tribunal arbitral a en effet examiné la question de savoir si l'intimée était en droit de refuser la cargaison. Il y a répondu par l'affirmative, en soulignant que l'intimée était contractuellement en droit d'agir comme elle l'avait fait, dans la mesure où le certificat du CIQ établissait que la teneur en fer de la marchandise était inférieure à 64 % (sentence, n. 172-178). Il n'était ainsi pas nécessaire que l'intimée soumette à un arbitre le prélèvement scellé en vue d'une éventuelle analyse, afin de pouvoir refuser valablement la cargaison. Le Tribunal arbitral a en outre précisé que les décisions citées par l'intéressée aux fins de démontrer que son adversaire était déchue du droit de refuser la cargaison ne trouvaient pas application dans la présente espèce (sentence, n. 176 [iii]). Il ressort ainsi de la motivation retenue par le Tribunal arbitral que celui-ci n'a de toute évidence pas jugé décisive l'argumentation développée par la recourante. C'est le lieu également de rappeler que l'intéressée ne saurait obtenir des explications sur chaque détail du raisonnement tenu par les arbitres. Quant à savoir si la motivation fournie dans la sentence attaquée est cohérente et convaincante, cette question ne ressortit pas au droit d'être entendu et échappe, partant, à la cognition de la Cour de céans. 
La recourante ne peut pas davantage être suivie lorsqu'elle prétend que le Tribunal arbitral aurait omis d'examiner les arguments qu'elle avait avancés en vue de contester les prétentions de son adversaire tendant au remboursement des frais de port et d'entreposage. Les arbitres ont en effet pris en considération l'argumentation développée par la recourante à cet égard et y ont même expressément fait allusion sous n. 113 de leur sentence. Ils ont toutefois jugé que le montant desdits frais avait été dûment prouvé et que ceux-ci étaient la conséquence directe de la violation du contrat de vente imputable à la recourante, raison pour laquelle l'intimée avait droit à leur remboursement (sentence, n. 197). Le Tribunal arbitral a ainsi visiblement considéré que les prétentions élevées par la société demanderesse étaient fondées, quand bien même celle-ci avait vendu la cargaison à D.________. Ce faisant, il a rejeté, à tout le moins de manière implicite, les arguments avancés par la recourante sur cet aspect du litige. Qu'il l'ait fait à juste titre ou non importe peu sous l'angle du moyen pris de la violation du droit d'être entendu. 
Enfin, l'intéressée critique en pure perte le résultat de l'appréciation des preuves à laquelle s'est livré le Tribunal arbitral lorsqu'elle affirme qu'aucune pièce du dossier ne permettait de justifier l'indemnité allouée à l'intimée au titre de la réparation de son dommage. 
Le moyen pris de la violation du droit d'être entendu de la recourante se révèle ainsi infondé pour le tout dans la faible mesure de sa recevabilité. 
 
6.  
Dans un deuxième moyen, la recourante reproche au Tribunal arbitral d'avoir enfreint le principe d'égalité des parties (art. 190 al. 2 let. d LDIP). 
 
6.1. En vertu du principe d'égalité, le tribunal arbitral doit traiter les parties de manière semblable à toutes les étapes de la procédure. Ledit principe implique ainsi que la procédure soit réglée et conduite de manière à ce que chaque partie ait les mêmes possibilités de faire valoir ses moyens (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1).  
 
6.2. A en croire la recourante, le Tribunal arbitral, en versant au dossier la traduction de la partie rédigée en mandarin du certificat du CIQ, produite par l'intimée sous pièce C-70 lors de l'audience arbitrale, aurait violé le principe d'égalité des parties, puisqu'il aurait admis la production tardive d'un document, sans raison légitime, au mépris des règles procédurales figurant dans l'ordonnance procédurale n. 1 du 1er septembre 2022.  
 
6.3. Tel qu'il est présenté, le grief ne saurait prospérer. En argumentant comme elle le fait, l'intéressée ne démontre pas que les parties n'auraient pas bénéficié des mêmes possibilités de faire valoir leurs moyens, mais se plaint, en réalité, de ce que le Tribunal arbitral aurait enfreint une règle de procédure en autorisant la production de la pièce C-70. En l'occurrence, la recourante a pu s'exprimer, lors de l'audience arbitrale et dans les mémoires déposés après celle-ci, sur l'admissibilité de la pièce C-70 et sur son contenu. Le grief de la recourante manque ainsi sa cible, car les critiques formulées par elle au soutien du moyen invoqué ne s'inscrivent pas dans le cadre tracé par l'art. 190 al. 2 let. d LDIP.  
En tout état de cause, le reproche de l'intéressée tombe à faux. La recourante échoue en effet à démontrer que le Tribunal arbitral aurait enfreint les termes de l'ordonnance procédurale n. 1. Comme l'expose l'intimée dans sa réponse sans être contredite par son adversaire, ladite ordonnance réservait la possibilité pour le Tribunal arbitral d'admettre la production tardive d'une pièce, après avoir consulté les parties et pris en considération l'existence d'un juste motif excusant ce retard ("Any late submission and/or production of evidence shall be procedurally inadmissible unless the Tribunal determines otherwise, having consulted the Parties and taken into consideration the existence of a justifiable excuse for such late submission and/or production of evidence"). Or, sous n. 165 et 166 de sa sentence, le Tribunal arbitral a notamment indiqué ce qui suit: 
 
"165.... the CIQ Certificate is a dual language document. While it is the case that a full translation of the relevant portion of the document was not provided in a timely manner by B.________ in accordance with Procedural Order No. 1, the Tribunal is permitted to accept a late, clearly accurate translation of a portion of a key document that A.________ has had an adequate opportunity to assess. In this instance, Exhibit C-9 [le certificat du CIQ] is a key document and, during the Hearing and in post-hearing briefing, Respondent has had an adequate opportunity to assess the accurate translation of the CIQ Certificate. It is important for the Tribunal to consider the true meaning of the document. The true meaning is that the document states, on its face, albeit partially only in Chinese, that the Contractually required representative samples were taken and prepared pursuant to international standards "during unloading"... (termes figurant en caractères gras dans la sentence attaquée). 
166. For the avoidance of any doubt, the Tribunal is unwilling to disregard the belated translation of the complete Chinese text of Exhibit C-9. The Tribunal finds that Exhibit C-70 is admissible and properly admitted to the case record, and that it contains an accurate translation from Chinese into English of the Chinese words ("during unloading") that were not translated into English in the Certificate. Thus, on its face, the CIQ Certificate confirms the Contractual requirement that the representative samples be taken "during discharging in accordance with international standards and practice"." 
Il appert ainsi que le Tribunal arbitral a estimé que la pièce C-70 était une traduction fidèle d'un passage figurant uniquement en mandarin dans le certificat du CIQ, de sorte qu'il ne pouvait pas faire fi de la teneur exacte de ce document-clé. Le Tribunal arbitral a en outre rappelé que la recourante avait eu tout loisir de s'exprimer à propos de la pièce C-70. Enfin, sous n. 167 de sa sentence, il a souligné que ce n'est que lors de l'audience arbitrale que la recourante avait remis en cause, pour la première fois, la validité du certificat CIQ au motif que le texte anglais dudit document ne spécifiait pas si les échantillons de minerai avaient été prélevés "lors du déchargement". Nonobstant les dénégations de la recourante, il a ainsi visiblement reconnu l'existence d'un juste motif justifiant d'admettre la production tardive de la pièce C-70. 
 
7.  
Dans un troisième moyen, la recourante, dénonçant une violation de l'ordre public procédural (art. 190 al. 2 let. e LDIP), soutient que la majorité du Tribunal arbitral aurait enfreint les principes de la contradiction et de la loyauté procédurale, en admettant la production tardive de la pièce C-70 et en se fondant sur ce moyen de preuve pour faire droit aux prétentions élevées par l'intimée. 
Pareille argumentation tombe à faux et on peut reprendre ici, mutatis mutandis, les considérations déjà émises en lien avec le non-respect du principe d'égalité des parties dénoncé par l'intéressée, les critiques formulées par la recourante au soutien du grief considéré se recoupant avec celles déjà émises sous l'angle du moyen pris de la violation de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP.  
 
8.  
Dans un quatrième et dernier moyen, divisé en plusieurs branches, la recourante prétend que la sentence attaquée est contraire à l'ordre public matériel (art. 190 al. 2 let. e LDIP). 
 
8.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.3). Tel est le cas lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). L'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public, visée à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, est une notion plus restrictive que celle d'arbitraire (ATF 144 III 120 consid. 5.1; arrêts 4A_318/2018 du 4 mars 2019 consid. 4.3.1; 4A_600/2016 du 29 juin 2017 consid. 1.1.4). Pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêts 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.1; 4A_304/2013 du 3 mars 2014 consid. 5.1.1; 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 4.1). L'annulation d'une sentence arbitrale internationale pour ce motif de recours est chose rarissime (ATF 132 III 389 consid. 2.1).  
Pour juger si la sentence est compatible avec l'ordre public, le Tribunal fédéral ne revoit pas à sa guise l'appréciation juridique à laquelle le tribunal arbitral s'est livré sur la base des faits constatés dans sa sentence. Seul importe, en effet, pour la décision à rendre sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, le point de savoir si le résultat de cette appréciation juridique faite souverainement par les arbitres est compatible ou non avec la définition jurisprudentielle de l'ordre public matériel (arrêt 4A_157/2017 du 14 décembre 2017 consid. 3.3.3). 
 
8.2. Dans la première branche du moyen considéré, la recourante reproche au Tribunal arbitral d'avoir fondé sa décision sur le certificat du CIQ, soit un document dont le contenu ne serait pas conforme à la réalité et qui constituerait à ses yeux un faux dans les titres au sens de l'art. 251 du Code pénal suisse (CP; RS 311.0). A cet égard, elle rappelle que ledit document était rédigé en mandarin et en anglais et que le contenu des deux textes ne coïncidait pas, étant donné que la version anglaise ne précisait pas que les échantillons litigieux de minerai avaient été prélevés lors du déchargement, condition exigée par l'art. 10 du contrat de vente. Se fondant sur l'avis exprimé par l'un des arbitres dans son opinion dissidente ainsi que sur divers moyens de preuve, l'intéressée soutient que les échantillons litigieux auraient en réalité été prélevés le 28 juillet 2021, c'est-à-dire dix jours après le déchargement du navire.  
Semblable moyen ne résiste pas à l'examen. L'intéressée assoit en effet toute son argumentation sur la prémisse de fait, non avérée, selon laquelle le contenu du certificat du CIQ ne serait pas conforme à la réalité. Or, le simple fait que l'un des arbitres a formulé une opinion contraire à celle des autres membres du Tribunal arbitral sur la question de savoir quand les échantillons litigieux ont été effectivement prélevés ne permet pas encore de conclure que le texte rédigé en mandarin dans le certificat du CIQ ne refléterait pas la réalité sur ce point. Il n'est pas davantage possible de voir dans la seule circonstance selon laquelle les passages figurant respectivement en mandarin et en anglais dans ledit document ne coïncident pas qu'il s'agirait nécessairement d'un faux document. En tout état de cause, sous le couvert d'une prétendue contrariété à l'ordre public matériel, l'intéressée ne fait en réalité rien d'autre que de substituer son appréciation personnelle des preuves administrées à celle de la majorité du Tribunal arbitral et de s'en prendre aux constatations factuelles qu'elle en a tirées, ce qui n'est pas admissible. 
 
8.3. Dans la deuxième branche du grief considéré, l'intéressée fait valoir que les arbitres auraient enfreint le principe de la fidélité contractuelle. A l'en croire, le Tribunal arbitral, en retenant que l'intimée était en droit de refuser la cargaison, aurait refusé de tenir compte des conditions prévues à l'art. 10 du contrat de vente, en faisant fi de l'exigence selon laquelle les échantillons de minerai devaient être prélevés au moment du déchargement. La recourante affirme, en effet, que lesdits échantillons auraient été récoltés seulement dix jours après le déchargement.  
Semblable argumentation tombe à faux car elle repose, une nouvelle fois, sur une base factuelle qui n'a pas été retenue dans la sentence attaquée. Ainsi, la prémisse du raisonnement tenu par la recourante n'est pas correcte, ce qui prive de toute pertinence la conclusion qu'en tire l'intéressée. 
 
8.4.  
 
8.4.1. Dans la troisième et dernière branche du moyen examiné, la recourante reproche aux arbitres d'avoir statué en équité au lieu d'appliquer les règles de droit matériel topiques. A cet égard, elle indique que le Tribunal arbitral a considéré que la cargaison avait été correctement entreposée après le déchargement et a fait droit aux prétentions de l'intimée tendant au paiement des frais de port et d'entreposage, alors même que l'intéressée n'avait fourni aucune preuve visant à prouver ces éléments. Selon la recourante, les arbitres n'auraient eu d'autre choix que de rejeter les prétentions élevées par l'intimée s'ils avaient appliqué les règles de droit en vigueur.  
 
8.4.2. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'usurpation du pouvoir de statuer en équité constitue une irrégularité qui pourrait relever tout au plus de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP même si ce point est controversé (arrêts 4A_418/2021 du 18 janvier 2022 consid. 4.1.1; 4A_14/2012 du 2 mai 2012 consid. 3.2.2 non publié in ATF 138 III 270; 4A_525/2017 du 9 août 2018 consid. 3.3.1). Point n'est toutefois besoin d'examiner plus avant cette question, dès lors que le moyen soulevé se révèle de toute manière infondé.  
Les explications fournies par la recourante, lesquelles revêtent au demeurant un ton appellatoire marqué, ne permettent nullement d'établir que le Tribunal arbitral aurait statué en équité. L'intéressée se borne en effet à critiquer la solution retenue par le Tribunal arbitral mais ne démontre pas qu'il se serait laissé guidé par des considérations non juridiques pour aboutir à pareil résultat. La lecture de la sentence querellée et des observations formulées par le président du Tribunal arbitral sur le recours viennent confirmer que les arbitres n'ont pas statué en équité. 
 
9.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à son adverse partie (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 38'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 48'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral avec siège à Genève. 
 
 
Lausanne, le 14 mai 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo