1C_268/2023 23.02.2024
Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_268/2023  
 
 
Arrêt du 23 février 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Haag. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________ et B.A.________, 
recourants, 
 
contre  
 
Conseil communal d'Aigle, 1860 Aigle, représenté par Me Jacques Haldy, avocat, HCML Avocats, galerie St-François A, 1003 Lausanne, 
Département des institutions, du territoire et des sports du canton de Vaud, place du Château 1, 1014 Lausanne, représenté par la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne Adm cant VD. 
 
Objet 
Plan de zone réservée, droit d'être entendu, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 avril 2023 (AC.2022.0052). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le territoire de la Commune d'Aigle est régi par un plan des zones adopté le 29 décembre 1958 et approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 28 avril 1961. Après l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700) le 1 er janvier 1980, le plan des zones a été modifié afin de créer, en périphérie des zones à bâtir, des zones viticoles et agricoles. Cette modification a été adoptée le 20 octobre 1982 et approuvée par le Conseil d'Etat le 3 avril 1985.  
 
B.  
B.A.________ est propriétaire des parcelles n os 1668 et 1610 du registre foncier, sur le territoire de la Commune d'Aigle. D'une surface de 12'438 m 2, la parcelle n o 1668 est partiellement (environ 5'400 m 2) affectée en zone à bâtir et supporte, sur cette partie plane, une maison de maître, dans laquelle B.A.________ vit avec A.A.________. Pour le reste, sur sa partie déclive, la parcelle est classée en zone viticole depuis la révision du plan des zones de 1985. Quant à la parcelle attenante n o 1610, également colloquée en zone à bâtir, elle supporte un petit bâtiment au sud, le solde étant en nature de jardin.  
 
C.  
La Commune d'Aigle procède actuellement à la révision de sa planification d'affectation. Dans ce cadre, elle a élaboré un projet de plan de zone réservée communale ("Zone réservée Centre-Ville"). Le projet a été validé par la Municipalité d'Aigle le 19 août 2019, qui l'a mis à l'enquête publique du 2 au 31 octobre 2019. Le plan de zone réservée comprend trois types de zones: A, B, et C. 
Le projet a suscité 34 oppositions, dont celle de A.A.________ et B.A.________, dont les parcelles précitées sont colloquées en zone réservée A, liée - en résumé - à la protection du paysage et des jardins et concernant des parcelles dont la constructibilité doit être revue. 
Par décision du 28 septembre 2021, le conseil communal a adopté le plan et le règlement de la zone réservée "Centre-Ville", tels que mis à l'enquête publique, et a levé les oppositions. 
Par décision du 11 janvier 2022, la Cheffe du Département des institutions et du territoire (désormais : Département des institutions, du territoire et du sport [DITS]) a approuvé la zone réservée "Centre-Ville". Le 14 février 2022, A.A.________ et B.A.________ ont saisi la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud d'un recours à l'encontre des décisions du conseil communal et du département cantonal. Par arrêt du 27 avril 2023, la cour cantonale a rejeté le recours. Elle a en particulier écarté le grief de violation du droit d'être entendu; sur le fond, elle a confirmé la zone réservée, jugeant qu'une modification du régime d'affectation des parcelles nos 1668 et 1610 serait envisageable dans le cadre de l'établissement du nouveau plan d'affectation communal. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et B.A.________ reprochent pour l'essentiel à l'instance précédente une violation de leur droit de réplique. Ils demandent principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal du 27 avril 2023 en ce sens que les parcelles nos 1668 et 1610 sont soustraites, soit sorties du plan de la zone réservée de la Commune d'Aigle. Subsidiairement, ils concluent à ce que l'arrêt cantonal soit déclaré nul, respectivement annulé, soit de nul effet s'agissant des deux parcelles nos 1668 et 1610. 
Le Tribunal cantonal réfute la violation du droit de répliquer et s'en rapporte au surplus aux considérants de son arrêt. Se référant à ses écritures antérieures, la Direction cantonale générale du territoire et du logement conclut au rejet du recours. Le Conseil communal d'Aigle demande également le rejet du recours. Au terme d'un ultime échange d'écritures, les recourants et la commune persistent dans leurs conclusions respectives. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine de l'aménagement du territoire (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. En tant que propriétaire des parcelles n os 1668 et 1610, incluses dans le plan de zone réservée "Centre-Ville", le recourant est particulièrement touché par l'arrêt attaqué qui confirme l'approbation de ce plan par le département compétent. Il dispose dès lors de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. La qualité pour agir de la recourante, qui vit dans la maison érigée sur la parcelle n o 1668, peut partant demeurer indécise.  
Cela étant, faute de grief matériel développé à l'appui de la conclusion principale en réforme, celle-ci est irrecevable (cf. art. 42 al. 2 LTF). Le chef de conclusion subsidiaire en annulation de l'arrêt entrepris est en revanche recevable au vu des griefs formulés (cf. ATF 137 II 313 consid. 1.3), si bien qu'il convient, dans cette mesure, d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
Les recourants se plaignent en premier lieu d'une constatation inexacte des faits et invoquent les art. 97 et 105 LTF. Ils reprochent à la cour cantonale d'avoir omis de mentionner une série de faits de procédure. A l'appui de leur critique, ils dressent une liste d'avis et de courriers échangés entre eux et la cour cantonale au sujet de leur requête en production de leur envoi à la municipalité du 25 août 2020 et de ses annexes et de leur droit de réplique. Ainsi faisant, ils n'expliquent toutefois pas où résiderait l'arbitraire dans l'établissement des faits, au mépris des exigences de motivation accrue prévalant dans ce domaine (cf. ATF 145 I 26 consid. 1.3; 137 II 353 consid. 5.1). Le déroulement de la procédure ressort quoi qu'il en soit du dossier cantonal constitué et produit par le Tribunal cantonal. 
Strictement appellatoire, le grief est irrecevable. 
 
3.  
Les recourants font ensuite - et pour l'essentiel - valoir une violation de leur droit d'être entendus. Ils font plus particulièrement grief à la commune de n'avoir pas produit en procédure, alors qu'elle en était requise, leur courrier du 25 août 2020 (et ses annexes) à elle adressé. Ils reprochent également à la cour cantonale d'avoir violé leur droit de réplique. 
 
3.1. Conformément aux art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH, les parties ont le droit d'être entendues. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable, le droit d'être entendu comprend en particulier le droit, pour une partie à un procès, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Il appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 138 I 484 consid. 2.1; ATF 137 I 195 consid. 2; ATF 133 I 100 consid. 4.3).  
Le droit de répliquer n'impose en revanche pas à l'autorité judiciaire l'obligation de fixer un délai aux parties pour déposer d'éventuelles observations (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; arrêt 2C_560/2012 du 21 janvier 2013 consid. 4.4 et les références), en particulier lorsque l'on peut s'attendre à ce qu'elles prennent spontanément position ou qu'elles requièrent le droit de se prononcer (ATF 138 I 484 consid. 2.4). L'autorité judiciaire doit seulement laisser aux parties un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour qu'elles aient la possibilité de déposer des observations si elles l'estiment nécessaire (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; 139 I 189 consid. 3.2; 138 I 484 consid. 2.4). 
 
3.2. Il ressort du dossier que, par avis du 9 mai 2022, la cour cantonale a fixé aux recourants un délai de réplique au 30 mai 2022. Par communication du 30 mai 2022, l'instance précédente a invité la commune à produire certains plans et documents; il était en outre indiqué qu'un nouveau délai de réplique serait fixé après la production des documents requis. Par acte du 20 juin 2022, la commune a déposé une série de documents; elle a par ailleurs expressément mentionné "n'avoir pas trace" de l'envoi du 25 août 2020 dans ses dossiers. Le 18 juillet 2022, le recourant s'est déterminé sur cette écriture; s'étonnant notamment que la commune ne retrouve pas son envoi. A teneur du dossier, aucun nouveau délai de réplique n'a ensuite été imparti aux recourants, ce dont ceux-ci se plaignent.  
 
3.2.1. Les recourants estiment avoir démontré céans que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal cantonal, la municipalité aurait bien reçu leur courrier du 25 août 2020 et ses annexes. Ils se réfèrent à cet égard à leur critique des faits développée en début de mémoire. Or, pour les motifs déjà exposés, cette argumentation est irrecevable (cf. consid. 2 ci-dessus). Il est vrai toutefois qu'en réponse au recours, la commune a produit ces différents documents, expliquant ne pas avoir été en mesure de retrouver, respectivement de déposer ces pièces précédemment en raison d'une erreur d'enregistrement dans son système (cf. réponse de la commune du 28 juin 2023). Cependant et contrairement à ce qu'affirment péremptoirement les recourants, en réplique, on ne saurait y voir d'emblée une "combine" ou encore une prévention du Juge instructeur à leur endroit.  
Il eût d'ailleurs été loisible aux recourants de produire ces pièces devant le Tribunal cantonal, ou à tout le moins d'en réitérer le contenu, s'ils l'estimaient opportun. A cet égard, on ne saurait les suivre lorsqu'ils prétendent qu'ils ne pouvaient déposer une pièce qu'ils n'avaient pas ou plus. En effet, en contradiction avec cette assertion, de l'aveu même des recourants, les pièces adressées une première fois à la municipalité par envoi du 25 août 2020 auraient été "transmises ensuite encore une fois en copie à son conseil" par courrier du 14 février 2022 (cf. également courrier manuscrit du recourant au mandataire de la commune du 18 juillet 2022). Dans ces conditions, on ne discerne pas ce qui de bonne foi aurait empêché les recourants de faire et d'adresser de nouvelles copies de ces documents au Tribunal cantonal, s'ils l'estimaient nécessaire à la défense de leurs intérêts (cf. BENOÎT BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 229 s.; CLÉMENCE GRISEL, L'obligation de collaborer des parties en procédure administrative, 2008, n. 187 ss); les recourants ne s'en expliquent du reste pas, pas plus qu'ils n'exposent, dans leur recours, en quoi ces pièces auraient été pertinentes et susceptibles d'influencer - en leur faveur et sur le fond - l'issue du litige. Il s'ensuit par ailleurs que, s'il fallait admettre que la non-prise en compte de ces documents par la commune aurait constitué, comme le soutiennent les recourants, une violation de leur droit d'être entendus, celle-ci aurait été guérie devant le Tribunal cantonal (cf. ATF 145 I 167 consid. 4.4; 142 II 218 consid. 2.8.1), qui bénéficie d'une pleine cognition (cf. art. 33 al. 3 let. b LAT). 
 
3.2.2. Par ailleurs, en ce qui concerne le droit de réplique des recourants, le Tribunal cantonal a certes, dans son avis du 31 mai 2022, indiqué qu'un nouveau délai de réplique serait fixé après la production des documents requis auprès de la commune, soit différents plans ainsi que le courrier du recourant du 25 août 2020 et ses annexes. Déférant à cette injonction, par acte du 20 juin 2022, la commune a déposé une série de plans; elle a expressément signalé, en revanche, n'avoir "pas trace" de l'envoi du 25 août 2020. Il apparaissait dès lors évident que le courrier du 25 août 2020 et ses annexes ne seraient pas produits par la commune, respectivement ne pourraient l'être, et qu'un délai pour se déterminer à leur propos ne serait partant pas imparti. Le recourant, qui est avocat (titre figurant notamment dans ses différentes écritures), ne pouvait d'ailleurs ignorer que même si un délai ne lui était pas formellement fixé à cet effet, il pouvait exercer son droit de répliquer (cf. ATF 138 I 484 consid. 2.4). Il s'est du reste spontanément déterminé sur la réponse de la commune, le 18 juillet 2022, exerçant ainsi, quoi qu'il en dise, son droit de réplique. Comme le souligne céans le Tribunal cantonal, on peut par ailleurs déduire de l'absence de nouvelle écriture de la part des recourants, pendant une période de plus de sept mois - entre juillet 2022 et le 27 avril 2023, date de l'arrêt attaqué - qu'ils avaient renoncé à compléter leur écriture du 18 juillet 2022 et partant à exercer encore une fois leur droit de répliquer. Dans ces conditions, les recourants ne pouvaient de bonne foi attendre la fixation d'un délai supplémentaire.  
 
3.3. Le grief de violation du droit d'être entendu est ainsi rejeté.  
 
4.  
Enfin et dès lors qu'il eût appartenu aux recourants, s'ils le jugeaient opportun, de produire devant la cour cantonale les documents annexés à leur propre courrier à la municipalité du 25 août 2020 (cf. consid. 3.2.1), ils ne sauraient profiter de leur droit de réplique devant le Tribunal fédéral, sous couvert d'une discussion de ces documents, dont copie a été déposée en réponse par la commune, pour articuler des griefs nouveaux, tant matériels que formels, au-delà du délai de recours de l'art. 100 al. 1 LTF (cf. ATF 143 II 283 consid. 1.2.3; arrêt 1C_237/2021 du 4 janvier 2023 consid. 1.3). Dans cette mesure, leurs ultimes observations du 9 octobre 2023 sont irrecevables. 
 
5.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, aux frais des recourants, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 LTF). La commune, qui agit dans le cadre de ses attributions officielles, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais de justice, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, au mandataire du Conseil communal d'Aigle, au Département des institutions, du territoire et des sports du canton de Vaud ainsi qu'à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 23 février 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez