6B_559/2023 08.11.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_559/2023  
 
 
Arrêt du 8 novembre 2023  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Muschietti et van de Graaf. 
Greffière : Mme Klinke. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par 
Maîtres Daniel Kinzer et Yoann Lambert, avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Indemnité; droit d'être entendu, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale d'appel et de révision, 
du 8 mars 2023 (P/11651/2017 AARP/79/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 22 mars 2022, le Tribunal de police genevois a acquitté A.________ de l'infraction de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), a laissé les frais de la procédure à la charge de l'État et condamné celui-ci à verser à A.________ une indemnité d'un montant de 28'836 fr. 70 à titre d'indemnité pour ses frais d'avocat. 
 
B.  
Statuant sur l'appel, portant sur les frais de procédure et l'indemnisation, formé par le ministère public contre le jugement du Tribunal de police, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise l'a partiellement admis par arrêt du 8 mars 2023. Elle a laissé les frais de la procédure préliminaire et de première instance à la charge de l'État et a alloué à A.________ un montant de 16'913 fr. 20 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure au cours de la procédure préliminaire et de première instance. Elle a arrêté les frais de la procédure d'appel à 2'155 fr., dont deux cinquièmes (862 fr.) ont été mis à la charge de A.________, le solde étant laissé à la charge de l'État. Un montant de 840 fr. lui a été alloué à titre d'indemnité pour la procédure d'appel. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal et conclut, avec suite de frais et dépens, à son annulation s'agissant de l'allocation d'un montant de 16'913 fr. 20 d'indemnité de première instance ainsi que des frais et indemnité en procédure d'appel. A titre principal, il conclut à ce que l'État de Genève soit condamné à lui verser 28'836 fr. 70 d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure au cours de la procédure préliminaire et de première instance, à l'intégralité des frais de la procédure d'appel, ainsi qu'à un montant de 1'400 fr. d'indemnité pour la procédure d'appel. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dans un premier grief, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir excédé son pouvoir d'examen et violé les art. 398 al. 2 in fine et 404 CPP en traitant des points qui n'étaient pas contestés par le ministère public dans sa déclaration d'appel.  
 
1.1. A teneur de l'art. 404 al. 1 CPP, la juridiction d'appel n'examine que les points attaqués du jugement de première instance. Lorsqu'elle rend sa décision, elle n'est pas liée par les motifs invoqués par les parties ni par les conclusions des parties, sauf lorsqu'elle statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP). Elle jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (art. 398 al. 2 CPP).  
Aux termes de l'art. 399 al. 4 CPP, quiconque attaque seulement certaines parties du jugement est tenu d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir, notamment, la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a) et les frais, les indemnités et la réparation du tort moral (let. f). 
L'indemnisation du prévenu est régie par les art. 429 à 432 CPP, dispositions aussi applicables à la procédure de recours et d'appel par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP. En particulier, l'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'alinéa 2, 1re phrase, prévoit que l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. L'indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205 consid. 1). Elle couvre en particulier les honoraires d'avocat, à condition que le recours à celui-ci procède d'un exercice raisonnable des droits de procédure (ATF 146 IV 332 consid. 1.3; 144 IV 207 consid. 1.3.1; arrêt 6B_975/2021 du 7 septembre 2022 consid. 2.3.2). 
 
1.2. Dans un premier temps, considérant que le recourant n'avait pas violé une norme de comportement prévue par le droit suisse, la cour cantonale a jugé que les frais de première instance devaient être laissés à la charge de l'État et qu'une indemnité devait être allouée au recourant en lien avec les dépenses occasionnées par l'usage raisonnable de ses droits de procédure selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP (arrêt entrepris consid. 3). Dans un second temps, elle a examiné si le montant retenu par les premiers juges à titre d'indemnité était conforme au droit. Considérant que certains postes allégués par le recourant étaient excessifs, voire non nécessaires, la cour cantonale a ramené le montant de l'indemnité allouée pour les frais de défense de 28'836 fr. 70 à 16'913 fr. 20 (arrêt entrepris consid. 4).  
 
1.3. En l'espèce, le ministère public a formé appel contre le jugement de première instance, concluant à la mise à la charge du recourant des frais de la procédure et au rejet de sa requête d'indemnisation. Il a expressément limité son appel à la mise à charge de l'État des frais de procédure (art. 423 al. 1 CPP) et à la question de l'octroi d'une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP (cf. mémoire d'appel ch. II.2). En cela, le ministère public a attaqué une partie du jugement, à savoir les frais et indemnités, conformément à l'art. 399 al. 4 let. f CPP. Une fois saisie de l'appel sur ce point, la cour cantonale n'était pas liée par les motifs invoqués en lien avec les indemnités, en particulier s'agissant de la violation de l'art. 430 al. 1 let. a CPP dont s'est prévalu le ministère public.  
La cour cantonale jouissait d'un plein pouvoir d'examen sur la question des frais et indemnités, conformément à l'art. 398 al. 2 CPP. Elle n'a dès lors pas violé les dispositions procédurales invoquées par le recourant en réexaminant le montant de l'indemnité allouée pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (préliminaire et première instance). 
C'est en vain que le recourant précise que l'autorité d'appel ne peut pas revoir les points qui ne sont pas contestés à moins que leur modification ne s'impose à la suite de l'admission de l'appel (cf. ATF 144 IV 383 consid. 1.1 et les références citées; arrêt 6B_68/2022 du 23 janvier 2023 consid. 5.1) puisque l'appel portait expressément sur l'indemnisation des frais de défense du recourant. En outre, c'est en vain que le recourant indique que la cour cantonale ne pouvait procéder par une substitution de motifs fondée sur l'art. 430 al. 1 let. a CPP pour réduire le montant de l'indemnité, le raisonnement cantonal étant fondé sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP et la jurisprudence y relative, à l'exclusion de l'art. 430 CPP (cf. arrêt entrepris consid. 4.1). 
 
2.  
Subsidiairement, le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu. 
 
2.1. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable ancrée à l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. aussi art. 6 par. 1 CEDH; art. 3 al. 2 let. c CPP et 107 CPP), englobe notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 143 IV 380 consid. 1.1 p. 382). Ce droit se rapporte avant tout à la constatation des faits. Le droit des parties d'être interpellées sur des questions juridiques n'est reconnu que de manière restreinte, lorsque l'autorité concernée entend se fonder sur des normes légales dont la prise en compte ne pouvait pas être raisonnablement prévue par les parties, lorsque la situation juridique a changé ou lorsqu'il existe un pouvoir d'appréciation particulièrement large. Le droit d'être entendu ne porte en principe pas sur la décision projetée. L'autorité n'a donc pas à soumettre par avance aux parties, pour prise de position, le raisonnement qu'elle entend tenir (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées; arrêt 6B_1113/2022 du 12 septembre 2023 consid. 1.2). Toutefois, lorsqu'elle envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s'est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence, le droit d'être entendu implique de donner au justiciable la possibilité de se déterminer à ce sujet (ATF 145 IV 99 consid. 3.1 p. 109; 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées; arrêt 6B_152/2022 du 30 novembre 2022 consid. 2.1).  
 
2.2. L'objet même de l'appel du ministère public portait exclusivement sur les frais de première instance et l'indemnité pour les frais de défense. Il ressort de l'arrêt entrepris que le recourant s'est déterminé sur l'appel du ministère public et qu'il a conclu, sous suite de frais, à son rejet ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de 2'550 fr. en sa faveur pour ses frais liés à la procédure d'appel (cf. arrêt entrepris let. C.b.b). Si, dans son mémoire de réponse, le recourant a orienté son argumentation sur les art. 426 et 430 CPP, il a expressément retranscrit la teneur de l'art. 429 al. 1 let. a CPP (cf. mémoire de réponse du 26 août 2022 ch. 13), de sorte qu'il pouvait raisonnablement s'attendre à la prise en compte, par la cour cantonale, de cette norme légale et de la jurisprudence qui en découle.  
Il s'ensuit qu'il ne saurait se prévaloir d'une violation de son droit d'être entendu. 
 
3.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 8 novembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Klinke