1B_510/2022 16.12.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_510/2022  
 
 
Arrêt du 16 décembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Jametti, Juge présidant, Haag et Merz. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Charles Archinard, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; refus de nomination d'avocat d'office, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République 
et canton de Genève, du 23 août 2022 
(ACPR/579/2022 - P/6275/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par ordonnance pénale du 23 février 2022, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le ministère public) a condamné A.________ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr., avec sursis, pour empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP). Ce dernier y a fait opposition, sous la plume de son conseil.  
Par ordonnance pénale du 18 mars 2022, A.________ a été condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr., avec sursis, et une amende de 300 fr., pour infractions aux art. 19 al. 1 let. c et 19a ch. 1 de la loi sur les stupéfiants du 3 octobre 1951 (LStup, RS 812.121). Il a formé opposition à cette ordonnance pénale et a demandé la jonction des deux procédures. Le 18 mars 2022, une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de six mois a été prononcée. 
Lors de l'audience du 10 mai 2022 devant le ministère public et en présence d'un interprète en langue anglaise, A.________ a expliqué, s'agissant de l'ordonnance pénale du 23 février 2022, qu'il ignorait qu'il avait affaire à des policiers en civil et n'avait pas tenté de fuir. Il a en outre contesté la vente de stupéfiants reprochée dans la seconde ordonnance. 
Le 12 mai 2022, le ministère public a ordonné la jonction des deux causes précitées (sous le numéro P/6275/2022) et, par ordonnance pénale sur opposition, il a condamné A.________ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr., avec sursis, et à une amende de 100 fr., pour empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP) et infractions aux art. 19 al. 1 let. c et 19a ch. 1 LStup. Dans le cadre de cette décision, le ministère public a aussi ordonné le séquestre et la confiscation de la somme de 1'490 fr. ainsi que la restitution de 130 euro au prénommé. Celui-ci a formé opposition à cette ordonnance le 30 suivant. 
 
A.b. Dans l'intervalle, par ordonnance du 11 mai 2022, rendue dans une autre cause (P1_2022), A.________ a été condamné à une peine privative de liberté de 90 jours et une amende de 100 fr. pour infraction aux art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI, RS 142.20) et 19a ch. 1 LStup. Il y a formé opposition le 12 mai 2022 et a demandé la jonction de ladite procédure à la P/6275/2022. Il a aussi sollicité la désignation de son conseil comme défenseur d'office.  
 
A.c. Par ordonnance du 16 juin 2022, le ministère public a refusé d'accorder l'assistance judiciaire à A.________, lequel a recouru contre ce refus auprès de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). En date du 12 juillet 2022, le prénommé a transmis spontanément à la Cour de justice le procès-verbal d'audience du jour-même par-devant le ministère public, lors de laquelle il a confirmé ses oppositions des 12 et 30 mai 2022; à cette occasion, il a réitéré sa demande de jonction des procédures et d'octroi de l'assistance judiciaire et a également sollicité l'audition des policiers ayant participé à son arrestation ainsi que du "toxicomane" l'ayant mis en cause.  
 
B.  
Par arrêt du 23 août 2022, la Cour de justice a rejeté le recours formé par A.________ contre cette ordonnance. Elle a en substance considéré que la cause ne présentait pas, après jonction des causes, des difficultés de fait ou de droit que le prévenu ne pourrait pas surmonter seul, sans l'assistance d'un avocat. 
 
C.  
Par acte du 23 septembre 2022, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à son annulation, à la désignation de son avocat en tant que mandataire d'office dès le 12 mai 2022 et la mise des frais et dépens à la charge des autorités genevoises. A titre subsidiaire, le recourant demande le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision. Il requiert également l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
L'autorité précédente renonce à se déterminer. Le ministère public conclut au rejet du recours aux termes de ses observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Conformément à l'art. 78 LTF, une décision relative à la défense d'office dans une cause pénale peut faire l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, prévenu et auteur de la demande de désignation d'un défenseur d'office, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Le refus de désigner un avocat d'office au recourant prévenu est susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 140 IV 202 consid. 2.2; 133 IV 335 consid. 4). Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 46 al. 1 let. b et 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF
Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
A teneur de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté devant le Tribunal fédéral à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Le recourant se réfère dans son acte de recours à une ordonnance pénale du 11 août 2022 rendue par le ministère public. Cette ordonnance ne ressort pas de l'état de fait de l'arrêt attaqué et le recourant n'allègue pas, ni ne démontre, que cet élément antérieur à l'arrêt attaqué aurait été valablement porté en cause devant l'instance précédente. L'ordonnance pénale constitue ainsi un fait nouveau irrecevable, conformément à l'art. 99 al. 1 LTF. Il ne sera dès lors pas tenu compte des arguments se fondant sur cette ordonnance pénale. 
 
3.  
Le recourant reproche à l'autorité précédente une violation des art. 132 CPP, 6 CEDH et 29 al. 3 Cst., estimant que la nomination d'un avocat d'office serait nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts. D'un point de vue personnel, le recourant se prévaut du fait qu'il est un migrant relativement jeune (né en 1994), sans instruction, qu'il ne parle pas le français et que, en raison de son travail de saisonnier en Italie, il ne pourrait pas assumer les frais de déplacement et de défense qu'impliquent les audiences à Genève. En lien avec les difficultés de la cause en fait et en droit, le recourant relève qu'il conteste les éléments constitutifs de deux infractions, ce qui impliquerait la nécessité d'administrer d'autres preuves; il ajoute à cet égard avoir le droit de participer à l'administration des preuves, se référant aux art. 147 CPP et 6 § 3 let. d CEDH. 
 
3.1. En dehors des cas de défense obligatoire visés à l'art. 130 CPP, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur d'office aux conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance. S'agissant de la seconde condition, elle s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. Ainsi, les intérêts du prévenu justifient une défense d'office notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).  
Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe "notamment"), en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêt 1B_172/2022 du 18 juillet 2022 consid. 2.1). 
Les critères énoncés par l'art. 132 al. 1, let. b, 2 et 3 CPP reprennent largement la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'assistance judiciaire, rendue sur la base des art. 29 al. 3 Cst. et 6 ch. 3 let. c CEDH (ATF 143 I 164 consid. 3.5). Selon cette jurisprudence, la désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5). 
 
3.2. Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêts 1B_483/2022 du 28 septembre 2022 consid. 3; 1B_172/2022 du 18 juillet 2022 consid. 2.1).  
S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours (ATF 139 III 396 consid. 1.2; 129 I 129 consid. 2.3.1), la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 140 V 521 consid. 9.1). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier (arrêts 1B_483/2022 du 28 septembre 2022 consid. 3; 1B_172/2022 du 18 juillet 2022 consid. 2.1). 
Quant à la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (arrêt 1B_483/2022 du 28 septembre 2022 consid. 3). 
 
3.3. En l'espèce, s'agissant de la gravité de la cause, la cour cantonale a retenu que le recourant avait été condamné le 11 mai 2022 à une peine privative de liberté de 90 jours et, le lendemain, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende aux termes de deux ordonnances distinctes auxquelles il avait fait opposition. Or, selon la cour cantonale, la jonction des procédures laissait objectivement augurer une peine supérieure à celle prononcée dans chacune des ordonnances précitées et pouvant dépasser le seuil légal caractérisant les cas de peu de gravité (cf. art. 132 al. 3 CPP).  
Quoi qu'il en soit, la Cour de justice a ensuite jugé que la seconde condition exigée par l'art. 132 al. 2 CPP n'était pas remplie, la présente cause ne présentant à ses yeux pas de difficulté de fait ou de droit que le recourant ne serait pas en mesure de surmonter seul. Elle a estimé que si celui-ci était certes un migrant, sans instruction et ne parlait pas le français, il avait pu, avec l'aide d'un interprète, s'expliquer sur les faits reprochés, qu'il avait contestés. La Cour de justice a ajouté que ces faits ne présentaient à l'évidence aucune difficulté de compréhension, même pour un profane. 
 
3.4. Le recourant ne fait valoir aucun élément propre à remettre en cause le raisonnement de l'instance précédente, qui peut être suivi. En effet, s'agissant de la difficulté juridique, le recourant invoque qu'il conteste les faits qui lui sont reprochés, en particulier deux infractions (art. 19 al. 1 LStup et 286 CP). Sur ce point, il lui est reproché, selon l'ordonnance pénale, d'avoir empêché des agents de police de procéder au contrôle de son identité et à son interpellation en se débattant et en tentant de prendre la fuite, ainsi que d'avoir vendu 6 grammes de marijuana à une tierce personne pour un montant de 100 fr., étant précisé que la vente avait été constatée par la police, et enfin d'avoir détenu sur lui 0.3 grammes de haschisch ainsi que de consommer régulièrement des produits cannabiques (cf. art. 105 al. 2 LTF). En l'occurrence, le simple fait de contester les faits incriminés ne permet pas de démontrer une quelconque difficulté justifiant la nomination d'un avocat d'office. Le recourant soutient à cet égard que ces infractions impliqueraient la nécessité d'administrer d'autres preuves, à savoir l'audition de témoins ("toxicomane" et policiers) et qu'il serait incapable, sans l'assistance d'un avocat, de formuler à nouveau ces réquisitions de preuve devant le Tribunal de police. Contrairement à l'avis du recourant, solliciter l'audition de témoins ne nécessite pas l'assistance d'un avocat, compte tenu de l'absence de complexité des faits et de la nature de la cause. La nomination d'un défenseur d'office ne s'impose pas non plus à raison de la langue, la désignation d'un interprète ou d'un traducteur étant en pareil cas suffisante (cf. arrêt 1B_591/2021 du 12 janvier 2022 consid. 2.3).  
La méconnaissance de la procédure judiciaire ne constitue pas davantage un motif suffisant en l'espèce pour désigner un défenseur d'office au recourant. Celui-ci ne peut en outre rien déduire de son âge (plus de 27 ans au moment de la commission des faits incriminés). 
Par ailleurs, le fait qu'il vit en Italie (travail saisonnier) ne suffit pas non plus à rendre nécessaire l'assistance d'un avocat. Admettre le contraire aurait notamment pour conséquence que tout prévenu, domicilié à l'étranger, devrait systématiquement être pourvu d'un défenseur d'office, quand bien même il serait en mesure d'assumer lui-même efficacement sa défense (cf. arrêt 1B_591/2021 du 12 janvier 2022 consid. 2.3). Enfin, le recourant semble méconnaître que la condition de l'indigence n'est pas à elle seule suffisante pour bénéficier de l'assistance judiciaire. 
 
3.5. Par conséquent, la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, considérer que les conditions de l'art. 132 al. 1 let. b et al. 2 CPP n'étaient pas réalisées.  
 
4.  
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
Les conclusions du recours étant vouées à l'échec, la demande d'assistance judiciaire sera rejetée (art. 64 al. 1 et 2 LTF). Compte tenu des circonstances, le présent arrêt sera rendu sans frais (art. 66 al. 1, deuxième phrase, LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 16 décembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Jametti 
 
La Greffière : Arn