1C_406/2022 26.09.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_406/2022  
 
 
Arrêt du 26 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Merz. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Anna Hofer, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Office de la circulation routière et de la navigation du canton de Berne, 
case postale, 3001 Berne. 
 
Objet 
Retrait préventif du permis de conduire; examen de l'aptitude à la conduite, 
 
recours contre le jugement de la Commission de recours du canton de Berne contre les mesures LCR du 8 juin 2022 (300.2022.57). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 9 décembre 2021, A.________ a reçu un avertissement de l'Office de la circulation routière et de la navigation du canton de Berne (ci-après: l'Office de la circulation) pour conduite en état d'ébriété non qualifié (0,27 mg/l) le 9 décembre 2019. Par ordonnance pénale du 28 mars 2022, le Ministère public du canton de Berne l'a reconnu coupable de conduite en état d'ébriété qualifié (0.81 mg/l) en date du 5 mars 2022. 
 
Par décision du 7 avril 2022, l'Office de la circulation a retiré à titre préventif à A.________ le permis de conduire en raison d'une suspicion d'une dépendance à l'alcool et a ordonné un examen de son aptitude à la conduite. 
 
Par jugement du 8 juin 2022, la Commission de recours du canton de Berne contre les mesures LCR (ci-après: la Commission de recours) a rejeté le recours déposé contre la décision du 7 avril 2022. Elle a considéré en substance qu'à défaut d'un certificat médical relativisant les doutes sérieux quant à l'aptitude à la conduite, le retrait préventif du permis de conduire était justifié et nécessaire pour protéger la sécurité routière. 
 
B.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler le jugement du 8 juin 2022 et de renvoyer la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision et pour qu'elle ordonne de lui restituer provisoirement son permis de conduire. Il conclut subsidiairement à ce qu'un retrait du permis de conduire d'une durée de trois mois à compter du 5 mars 2022 soit ordonné. Il demande encore plus subsidiairement de lui restituer son permis de conduire jusqu'à la connaissance du rapport d'expertise sur son aptitude à la conduite. 
 
La Commission de recours conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. L'Office fédéral des routes (OFROU) conclut au rejet du recours sans autre observation. 
 
Par ordonnance du 3 août 2022, le Juge présidant de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif, formulée par le recourant. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La voie du recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est en principe ouverte contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) au sujet d'une mesure administrative de retrait du permis de conduire (art. 82 let. a LTF), dans la mesure où aucun motif d'exclusion au sens de l'art. 83 LTF n'entre en considération. 
 
1.1. La contestation porte sur le retrait à titre préventif du permis de conduire du recourant. Cette mesure provisoire a été rendue dans une procédure administrative destinée à déterminer l'aptitude à conduire de l'intéressé et la nécessité éventuelle de prononcer un retrait de sécurité. La décision attaquée ne met pas fin à cette procédure et constitue une décision incidente qui peut être déférée immédiatement auprès du Tribunal fédéral dans la mesure où elle cause un préjudice irréparable à son destinataire au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, ce qui est le cas en l'espèce (ATF 122 II 359 consid. 1b; arrêt 1C_212/2021 du 16 juin 2021 consid. 1 et les arrêts cités).  
 
1.2. Le recourant a pris part à la procédure de recours devant l'autorité cantonale. Il a un intérêt digne de protection (art. 89 al. 1 LTF) à ce que l'arrêt attaqué soit annulé en tant qu'il confirme une décision qui le prive provisoirement de son permis de conduire jusqu'à ce que son aptitude à conduire soit démontrée. Sa qualité pour agir est à l'évidence donnée. Le recours a au surplus été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale. Il y a donc lieu d'entrer en matière.  
 
2.  
Dans le cas d'un recours dirigé, comme en l'espèce, contre une décision portant sur une mesure provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF, seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels (ATF 147 II 44 consid. 1.2). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, les griefs soulevés doivent être suffisamment motivés, sous peine d'être déclarés irrecevables. Pour satisfaire à ces exigences, le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité a méconnu le droit constitutionnel (ATF 143 II 283 consid. 1.2.2; 142 II 369 consid. 2.1). Le recourant ne peut donc se contenter d'invoquer les dispositions applicables du droit fédéral; il doit démontrer que celles-ci ont été appliquées d'une manière contraire à la Constitution, soit notamment de manière arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 I 17 consid. 4.3). 
 
3.  
Le recourant a produit un courriel de son médecin traitant daté du 4 juillet 2022, dans lequel celui-ci est revenu sur son courriel du 29 mars 2022: le médecin a indiqué reconsidérer la situation et a écrit que sa "réponse relevait davantage d'une déduction de [sa] part que d'une affirmation qui s'appuierait sur un dossier médical"; il a ajouté que d'un point de vue strictement médical il n'avait jamais vu le recourant pour des problèmes d'alcool, que lors des consultations il n'avait rien constaté à ce sujet et que le dossier médical ne renfermait aucun élément. 
 
A teneur de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Le courriel du 4 juillet 2022 du médecin traitant est postérieur au prononcé de l'arrêt attaqué et le recourant ne démontre pas en quoi il résulterait de la décision attaquée. Il s'agit donc d'un vrai novum, qui échappe à la cognition du Tribunal fédéral. Il n'en sera par conséquent pas tenu compte.  
 
4.  
Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête, notamment en cas de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool dans le sang de 1,6 gramme pour mille ou plus ou un taux d'alcool dans l'haleine de 0,8 milligramme ou plus par litre d'air expiré (art. 15d al. 1 let. a LCR). 
 
Selon l'art. 30 de l'ordonnance fédérale du 27 octobre 1976 réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière (OAC; RS 741.51), le permis de conduire peut être retiré à titre préventif en cas de doutes sérieux quant à l'aptitude à la conduite d'une personne. Cette disposition institue une mesure provisoire destinée à protéger les intérêts menacés jusqu'à l'issue de la procédure principale portant sur un retrait de sécurité. Vu l'importance du risque inhérent à la conduite des véhicules automobiles, il s'impose qu'un conducteur puisse se voir retirer son permis, à titre préventif, dès que des indices autorisent à penser qu'il représente un risque particulier pour les autres usagers de la route et font douter sérieusement de sa capacité à conduire. Une preuve stricte n'est pas nécessaire. En effet, si une telle preuve était apportée, c'est un retrait de sécurité qu'il y aurait lieu d'ordonner sans plus attendre. Au contraire, le retrait préventif intervient, par définition, avant que tous les éclaircissements nécessaires pour juger de la nécessité d'un retrait de sécurité aient été obtenus. Pour décider d'un retrait préventif, l'autorité doit donc se fonder sur les éléments dont elle dispose en l'état. La prise en considération de tous les éléments plaidant en faveur ou en défaveur de l'aptitude de l'intéressé à la conduite de véhicules automobiles interviendra à l'issue de la procédure au fond (cf. ATF 125 II 492 consid. 2b; arrêt 1C_514/2016 du 16 janvier 2017 consid. 2.2). 
 
Selon le "Guide aptitude à la conduite" élaboré par le Groupe d'experts Sécurité routière en accord avec l'OFROU et approuvé par l'Association des services des automobiles suisses le 27 novembre 2020, en cas de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool dans l'air expiré de 0,8 mg/l ou plus, le permis de conduire est saisi par la police et remis à l'autorité qui prononce en règle générale un retrait préventif en raison des doutes sérieux sur l'aptitude; ces doutes peuvent être relativisés par la production d'un certificat médical spécifique, ce qui peut permettre une restitution provisoire du permis; si ce certificat est fourni et si les doutes sur l'aptitude sont relativisés, le retrait préventif est levé, et le permis de conduire est alors restitué provisoirement; dans le cas contraire, le retrait préventif demeure en vigueur jusqu'à ce que l'autorité prenne une nouvelle décision à connaissance du rapport d'expertise. 
 
L'Association des services des automobiles suisses regroupe les chefs d'office des services des automobiles et des contrôles des véhicules à moteur des cantons et de la Principauté de Liechtenstein. Elle a pour but l'application uniforme des prescriptions en matière de circulation dans les cantons. Ses directives n'ont donc pas valeur de règle de droit, mais peuvent être prises en compte en tant qu'avis d'expert dans l'application du droit (ATF 116 Ib 155 consid. 2b; arrêt 1C_49/2014 du 25 juin 2014 consid. 2). 
 
5.  
En l'espèce, s'agissant de l'ordonnance d'une enquête sur son aptitude à la conduite, l'instance précédente a jugé que les conditions de l'art. 15d al. 1 let. a LCR étaient remplies. Elle a ajouté que les circonstances entourant les infractions des 5 mars 2022 et 9 décembre 2019 ne permettaient pas d'infirmer les doutes quant à l'aptitude à la conduite; de plus, le fait que les deux infractions avaient eu lieu en l'espace d'un peu plus de deux ans permettait de s'interroger sur le point de savoir si le recourant était en mesure de séparer de façon suffisante sa consommation d'alcool et la conduite d'un véhicule; ces doutes devaient être vérifiés dans le cadre d'une enquête. 
 
Quant au retrait préventif, la Commission de recours a considéré en substance qu'à défaut d'un certificat médical relativisant les doutes sérieux quant à l'aptitude à la conduite, le retrait préventif du permis de conduire était justifié et nécessaire pour protéger la sécurité routière. Elle s'est notamment fondée sur le courriel du 29 mars 2022 du médecin traitant selon lequel le recourant "doit faire un travail psychothérapeutique auprès d'un spécialiste, en vue d'un sevrage complet de sa consommation d'alcool". Elle a ajouté que le besoin de conduire à titre professionnel en tant que conseiller de vente n'entrait pas en ligne de compte, dès lors que c'était son aptitude à la conduite elle-même qui était mise en cause (arrêt 1C_41/2019 du 4 avril 2019 consid. 3.2). 
 
6.  
Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. Face à cette argumentation, le recourant se contente d'ailleurs de mentionner une violation du principe de la proportionnalité et du principe de la bonne foi. Il fonde son argumentation sur un fait nouveau, soit le courriel du 4 juillet 2022 de son médecin traitant, lequel est irrecevable (cf. consid. 3). Il se borne à relever qu'en plus de 40 ans il n'a jamais fait l'objet d'une plainte ou d'une mesure pour infraction à la LCR, à l'exception des incidents des 9 décembre 2019 et 5 mars 2022 et à souligner qu'il est conseiller de vente de sorte que la possession d'un permis de conduire lui est indispensable. Partant, il ne cherche pas à démontrer en quoi les éléments retenus par la Commission de recours seraient insuffisants à justifier un retrait préventif prononcé en raison des doutes sérieux quant à son aptitude à conduire. Faute de motivation satisfaisant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. consid. 2), les griefs doivent être déclarés irrecevables. 
 
Au demeurant, vu le taux d'alcool dans l'air expiré de 0,81 mg/l, la mesure litigieuse apparaît manifestement propre à atteindre le but recherché par l'art. 30 OAC, soit la protection du trafic durant la période limitée d'investigation sur la capacité de conduire (arrêt 1C_154/2018 du 4 juillet 2018 consid. 4.2). Compte tenu des circonstances, il appartiendra toutefois à l'Office de la circulation routière et de la navigation du canton de Berne de veiller à ce que l'enquête sur l'aptitude à la conduite au sens de l'art. 15d al. 1 let. a LCR soit rapidement conduite. 
 
7.  
Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable aux frais du recourant qui succombe (art. 66 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, à l'Office de la circulation routière et de la navigation du canton de Berne, à la Commission de recours contre les mesures LCR du canton de Berne et à l'Office fédéral des routes. 
 
 
Lausanne, le 26 septembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller