6B_1043/2023 10.04.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1043/2023  
 
 
Arrêt du 10 avril 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Denys et Muschietti. 
Greffière : Mme Klinke. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représenté par Me Nicola Meier, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
2. B.________ SA, 
intimés. 
 
Objet 
Utilisation et tentative d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur; présomption d'innocence; arbitraire, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
du 18 avril 2023 (n° 99 PE11.002217/ACO/Jgt/lpv). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 6 septembre 2022, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a notamment condamné A.A.________ pour utilisation frauduleuse d'un ordinateur, tentative d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, recel, empêchement d'accomplir un acte officiel et dénonciation calomnieuse (I) à une peine privative de liberté de 5 mois avec sursis pendant 5 ans (Il), à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant 5 ans (III) et à une amende de 600 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de 6 jours (IV). Il a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des objets séquestrés (VIII) et a mis une part des frais, comprenant les indemnités allouées à leurs défenseurs d'office, à la charge de A.A.________ et C.________, également condamnée pour diverses infractions (cf. IX et X). 
 
B.  
Statuant sur les appels formés par A.A.________ et C.________ contre le jugement de première instance, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le premier et admis partiellement le second, par jugement du 18 avril 2023. La cour cantonale a libéré C.________ des fins de la poursuite pénale (au bénéfice du doute) mais a confirmé le jugement de première instance s'agissant de A.A.________, en fixant les frais et indemnités de défenseur d'office d'appel. 
Le jugement cantonal repose en substance sur les faits suivants. 
 
B.a. Ressortissant français, A.A.________ est né en 1984 en France. Il est le père de quatre enfants de 16, 9, 8 et 1 ans, et vit en concubinage avec C.________. Il est le frère de D.A.________ et de E.________. Arrivé en Suisse à l'âge de 12 ans, il y a grandi et poursuivi sa scolarité obligatoire. En 2003, il a obtenu un diplôme d'ingénieur. Il travaille actuellement comme chauffeur indépendant de personnes à temps partiel et a récemment ouvert une Sàrl dans ce domaine. Il perçoit un salaire mensuel d'environ 2'500 francs. Il a des poursuites à hauteur d'environ 80'000 fr., et n'a pas de fortune.  
Son casier judiciaire suisse ne comporte aucune inscription. Son casier judiciaire français comporte onze condamnations entre avril 2013 et mars 2019 à plusieurs peines d'emprisonnement avec ou sans sursis, allant de 8 jours à plus d'un an, ainsi qu'à des amendes pour, notamment, menace de mort réitérée, violence avec préméditation ou guet-apens sans incapacité et violence suivie d'incapacité supérieure à 8 jours commise par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, menace par gestes ou emblèmes d'un attentat contre les personnes ou les propriétés, escroquerie, recel, coups et blessures involontaires, coups et blessures volontaires envers époux ou cohabitant, menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique, délits de fuite et diverses infractions aux règles de la circulation routière. 
 
B.b. Le 19 juin 2010, A.A.________ a envoyé un courrier à l'attention de la Police cantonale fribourgeoise dans lequel il a faussement dénoncé le dénommé F.________, comme étant l'auteur de l'excès de vitesse du 4 juin 2010 qu'il avait lui-même commis, alors qu'il savait le prénommé innocent. Ce courrier était accompagné d'une photocopie de la carte d'identité française de F.________ (cas 2 de l'acte d'accusation).  
 
B.c. À U.________, rue V.________, le 20 juin 2010, à 15h16, A.A.________ a retiré au distributeur d'argent de B.________ SA un montant de 1'000 fr. au moyen de la carte de crédit B.________ obtenue frauduleusement au nom de E.________ avec des fausses fiches de salaire. À la même date, à 15h17 et à 15h18, A.A.________ a essayé de retirer au même distributeur à deux reprises 1'000 fr. sans succès. En effet, la limite journalière de retrait d'argent avait déjà été atteinte lors du premier retrait frauduleux de 15h16.  
À U.________, W.________ et X.________ notamment, entre le 20 juin et le 2 juillet 2010, A.A.________ a utilisé cette carte de crédit B.________ pour divers achats et retraits d'argent. 
Le montant total du dommage s'élève à 10'776 fr. 36. La société B.________ SA a déposé plainte pénale le 20 août 2010 (cas 3 de l'acte d'accusation). 
 
B.d. À X.________, dans le courant du mois de juillet 2010, A.A.________ a déposé en connaissance de cause divers objets chez son frère D.A.________ (déféré séparément) qui provenaient d'infractions au patrimoine; à savoir:  
 
- trente-trois cartes d'identité françaises qui provenaient d'un cambriolage commis le 23 octobre 2009 dans la mairie de Y.________ (France); 
- les passeports biométriques aux noms de G.________ et de H.________ qui avaient été dérobés dans les locaux du Service de la population à U.________ entre le 9 et le 10 juillet 2010; 
- la carte de crédit B.________ au nom de E.________ qui avait été obtenue frauduleusement auprès de B.________ SA en produisant des fausses fiches de salaire (cas 5 de l'acte d'accusation). 
 
B.e. À Z.________, le 14 juillet 2010, la police a retrouvé dans la cave du studio qui était occupé par A.A.________, dix-sept cartes d'identité françaises qui provenaient d'un cambriolage commis le 23 octobre 2009 dans la mairie de Y.________ et qu'il avait cachées (cas 6 de l'acte d'accusation).  
 
B.f. À U1.________, au passage frontière de V1.________, le 28 avril 2020, vers 17h45, les garde-frontières ont appréhendé A.A.________ qui se trouvait dans le tram n° 17. Il faisait l'objet de quatre mandats d'arrêts. Les douaniers ont dès lors procédé à son arrestation et ont décidé de le menotter pour des raisons de sécurité. À ce moment-là, il a essayé de prendre la fuite. Il a dû être maîtrisé au sol afin d'être menotté. Lors de la manoeuvre, il s'est débattu (cas 7 de l'acte d'accusation).  
 
C.  
A.A.________ forme un recours en matière pénale contre le jugement cantonal et conclut à son annulation partielle et à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté de l'infraction d'utilisation et de tentative d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur pour tout acte autre que ceux s'étant déroulés le 20 juin 2010, rue V.________, U.________ à 15h16 et qu'une peine est prononcée dans une juste mesure. Subsidiairement il conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant conteste exclusivement sa condamnation des chefs d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur et de tentative de cette infraction pour tout acte autre que ceux commis le 20 juin 2010 à U.________ à 15h16 (cf. cas 3 de l'acte d'accusation). Il invoque l'arbitraire dans l'établissement des faits sur ce point et se prévaut du principe de la présomption d'innocence. 
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).  
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 144 IV 345 consid. 2.2.3.1; 127 I 38 consid. 2a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves (sur la portée et le sens précis de la règle sous cet angle, cf. ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3), la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1 et les arrêts cités).  
Lorsque l'autorité cantonale a forgé sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit en effet être examinée dans son ensemble. Il n'y a ainsi pas d'arbitraire si l'état de fait retenu pouvait être déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs apparaissent fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts 6B_893/2023 du 26 février 2024 consid. 6.1; 6B_313/2023 du 23 octobre 2023 consid. 3.1; 6B_770/2023 du 20 octobre 2023 consid. 3.1.2). 
 
1.2. À teneur de l'art. 147 al. 1 CP, quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, influe sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, et provoque, par le biais du résultat inexact ainsi obtenu, un transfert d'actifs au préjudice d'autrui ou le dissimule aussitôt après, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.  
Selon l'art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire. 
 
1.3. De manière générale, la cour cantonale a retenu que les frères A.________ avaient des pratiques claires d'abus de cartes d'identité pour demander des cartes de crédit, qu'ils utilisaient pour commander des objets ensuite revendus sur internet. S'agissant des actes ressortant du ch. 3 de l'acte d'accusation, la cour cantonale a notamment retenu que le recourant avait été filmé lors du premier retrait au distributeur et que la carte avait été retrouvée chez D.A.________, lequel avait expliqué l'avoir reçue du recourant. La cour cantonale a relevé que le recourant n'avait, à l'époque, pas pu être entendu parce qu'il était à l'étranger, signalé au Ripol. Appréciant ses déclarations en première instance, selon lesquelles il avait donné la carte avec l'argent du premier retrait à son cousin, la cour cantonale a considéré que cette version n'était pas crédible puisque la carte avait été retrouvée chez son frère. Le recourant ne cessait de mentir. En outre, la plupart des paiements litigieux avaient été effectués dans la région de U.________, où habitait le recourant, puis à X.________, où habitait son frère, D.A.________. La cour cantonale a également apprécié les déclarations de D.A.________ et de l'amie intime de ce dernier, s'agissant des documents retrouvés au domicile du premier nommé. Elle a considéré que le petit conflit entre les frères, qualifié de broutilles par D.A.________, ne permettait pas d'envisager sérieusement que ce dernier mentait dans l'intention de mettre faussement en cause le recourant. La cour cantonale a également fait sien le raisonnement des premiers juges concernant la mise en cause du recourant par I.________ s'agissant des cartes d'identité volées dans une mairie ainsi que la carte B.________. En définitive, il ne faisait aucun doute que le recourant avait utilisé la carte jusqu'au moment où il l'avait donnée à son frère.  
 
1.4. En l'espèce, le recourant cite l'art. 147 CP, sans développer le moindre grief en lien avec les éléments constitutifs de cette infraction (cf. art. 42 al. 2 LTF).  
Sous l'angle des faits, il conteste avoir effectué d'autres retraits que celui du 20 juin 2010 à 15h16, en se contentant de livrer sa propre appréciation de certaines preuves et à l'opposer à celle de la cour cantonale sans démontrer en quoi celle-ci aurait sombré dans l'arbitraire. Alors que le recourant demande son acquittement pour les autres actes que celui du 20 juin 2010 à 15h16, il ne tente pas de démontrer l'arbitraire de la constatation selon laquelle il est l'auteur des tentatives de retrait du même jour au même distributeur à 15h17 et 15h18. S'agissant des actes suivants, il se contente d'affirmer que ses propres mensonges en cours de procédure et la proximité géographique retenus par la cour cantonale seraient insuffisants pour constituer une preuve de sa culpabilité. Cela étant, il isole certains éléments retenus par l'autorité précédente de manière inadmissible. En tout état, l'on cherche en vain dans les écritures du recourant une critique du raisonnement suivi par l'autorité précédente, répondant aux exigences de motivation prévues aux art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF. Ainsi, en affirmant que les paiements postérieurs au premier retrait de 1'000 fr. n'auraient pas été examinés, il ne formule aucun grief recevable sous l'angle des dispositions précitées, étant précisé qu'il a été entendu en première instance et en appel sur ces retraits. En définitive, le recourant ne tente pas de démontrer que, sur la base des éléments de preuve exposés de manière détaillée par l'autorité précédente, il était manifestement insoutenable de retenir que l'intéressé avait utilisé la carte de crédit en cause pour divers achats et retraits d'argent entre le 20 juin 2010 à 15h17 et le 2 juillet 2010. 
Le recourant ne formule aucun grief s'agissant de la peine prononcée (cf. art. 47 et 49 CP), indépendamment de ses développements en lien avec l'infraction en cause. 
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable. Comme le recours était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 10 avril 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Klinke